Le projet « eXtra Performance WING » mené par Airbus UpNext depuis deux ans est un programme de recherche particulièrement original, mais l'initiative lancée par son concurrent Boeing et qui mise sur un démonstrateur à « taille réelle » d'un avion à voilure haute haubanée à grand allongement d'ici 2028 ne pourra que lui donner raison. Les impératifs de décarbonation de l'aviation commerciale passent aussi par l'étude de nouvelles voilures plus performantes, plus fines et avec des allongements plus importants.
L'eXtra Performance WING d'Airbus UpNext est un concept qui combine deux problématiques : la conception d'une voilure ultra-fine particulièrement légère, mais également sa capacité à pouvoir absorber de fortes turbulences en vol, mais sans avoir à rajouter des renforts structuraux qui seraient pénalisants en termes de masse. La solution étudiée par la filiale d'Airbus dédiée aux nouvelles technologies est ainsi particulièrement radicale, la voilure sera équipée d'un segment mobile à son extrémité pour adapter la portance aux conditions de vol, un élément qui sera contrôlé par des actionneurs fournis par la société américaine Curtiss-Wright.
Le démonstrateur est, comme on le sait, un Cessna Citation VII, un appareil en cours de modification depuis quelques mois chez Aerotec & Concept à Blagnac. La première étape est d'abord de venir équiper l'avion de multiples antennes et capteurs, 18 au total, avant de remplacer la totalité de la voilure. Cette première étape doit en effet permettre de tester les moyens de communication entre l'appareil et le sol car le démonstrateur volera ensuite sans aucun pilote à bord, les risques étant particulièrement élevés compte tenu du type d'essais, comme nous l'a expliqué à Toulouse Sébastien Blanc, le directeur technique du démonstrateur eXtra Performance WING chez Airbus UpNext.
« Dans cette phase, nous vérifierons aussi les modèles et la performance de l'avion actuel pour pouvoir faire une comparaison avec l'avion doté de la nouvelle voilure. Nos objectifs sont d'avoir entre 5 et 10% de bénéfices en termes de consommation de carburant » explique-t-il. « Ce que l'on veut faire, avec ces technologies actives, c'est venir contrôler au mieux les charges et les performances pour pouvoir aller chercher des envergures encore plus grandes ». Il rappelle également que plus l'allongement augmente, plus les performances sont améliorées, mais la masse de la structure de l'aile va aussi être un peu plus lourde pour pouvoir encaisser le regain de charges. Pour cela, le projet « eXtra Performance WING » repose sur une charnière qui permettra de rendre l'extrémité de voilure repliable, au sol et en vol. « Si on rencontre un événement de type manoeuvre ou turbulences, on vient relâcher la charnière et le bout de voilure sera complètement libre et les charges ne passeront plus ». L'extrémité de la voilure n'a alors plus besoin de renforts structuraux.
Sébastien Blanc détaille aussi que la nouvelle voilure sera équipée de 3 volets hypersustentateurs pour les basses vitesses qui seront dôtés de petites gouvernes de bord de fuite (4 tabs par volet), ces derniers permettant d'ajuster la cambrure de l'aile pour un profil optimum en fonction du point sur la mission de l'avion. « Nous allons pouvoir ajuster la cambrure pour la performance, mais nous allons aussi pouvoir utiliser ces petites surfaces pour redistribuer la portance sur la voilure et être encore plus efficace pour réduire les charges en turbulences et en manoeuvres » précise le directeur technique du démonstrateur eXtra Performance WING.
Il annonce aussi que l'appareil sera équipé d'un nouveau capteur, un lidar avec deux lasers, qui permettra de mesurer la vitesse des particules dans l'air par effet Doppler. « Cette mesure de turbulences va pouvoir être envoyée par le système de contrôle du vol vers ces nouvelles surfaces de contrôle pour pouvoir adapter la forme de la voilure dynamiquement et venir ainsi réduire encore les charges, toujours dans l'objectif de pouvoir augmenter l'envergure de la voilure sans en avoir à payer le prix en termes de masse ». Il ajoute que ce lidar devra évidemment fonctionner dans toutes les conditions atmosphériques et quel que soit l'altitude, ou la vitesse.
Si les essais de la première phase sont attendus cette année, la deuxième phase est quant à elle programmée au second semestre de l'année prochaine dans la zone ségréguée militaire de Cazaux (Gironde). Le Cessna Citation VII d'Airbus UpNext disposera ainsi d'une voilure représentant, à une échelle 1/3, celle qui pourrait venir un jour sur un avion commercial monocouloir, et qui afficherait alors une envergure de l'ordre de 52 mètres (à comparer à près de 36 mètres pour un A320neo avec Sharklets). Sébastien Blanc précise alors que la charnière correspondrait à l'envergure d'une aile d'aujourd'hui afin d'être compatible avec les actuelles installations aéroportuaires.
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