Ce 27 juillet 1972 sur la piste d'Edwards s'élance un avion de combat prometteur, le McDonnell Douglas F-15A. L'US Air Force voulait frapper fort à travers cet imposant bimoteur. Avec le programme FX les militaires américains exigeaient ce qui se faisait de mieux en matière de motorisation, d'équipement, d'armement pour obtenir rien de moins que le meilleur avion de combat du monde. Les spécifications du FX répondaient à deux menaces. La première, celle du MiG-25, avec qui l'ennemi soviétique volait à Mach 3. La seconde prenait la forme des agiles MiG-17 et MiG-21 qui malmenaient les F-4 "Phantom" II au Viêt Nam. Il fallait être rapide, mais aussi agile. Dès le départ les ingénieurs parièrent sur un rapport poids/poussée très élevé. Une phrase résumait bien l'état d'esprit de l'époque dans l'US Air Force : « Pourquoi se contenter d'une Wolkswagen quand vous pouvez avoir une Cadillac ? ».
L'idée d'adopter un dérivé de chasse du mythique Lockheed SR-71 Blackbird fut un moment envisagée avec le YF-12. Il était imbattable en vitesse de pointe (plus de Mach 3), mais de toute évidence il allait se comporter comme un fer à repasser en combat aérien. Il fallait viser Mach 2,5. Les avionneurs américains furent sollicités. McDonnell Douglas l'emporta avec son projet, bientôt adopté sous la désignation de F-15 Eagle.
Les ingénieurs optimisèrent l'avion pour les grandes vitesses et bénéficièrent d'un nouveau réacteur, le Pratt & Whitney F100, qui frisait les 10 tonnes de poussée. Avec ses réacteurs lancés à pleine puissance, le chasseur pouvait théoriquement décoller à la verticale ! Le Streak Eagle s'adjugea ainsi plusieurs records de vitesse ascensionnelle en 1975. S'agençait autour des réacteurs une cellule relativement petite, avec deux dérives et un poste de pilotage dégagé. Le pilote bénéficiant d'une excellente vision, bien meilleure que sur le "Phantom" II - le combat aérien rapproché était dans tous les esprits. À l'avant se trouvait un radar perfectionné avec des capacités de détection et de tir à basse altitude alors inédites. Le F-15 emportait autant de missiles que le Phantom II, auxquels s'ajoutait en interne un canon, là encore le fruit de l'expérience des combats au Viêt Nam. Si nous détaillons toutes ces qualités, c'est qu'elles sont toujours à la base de l'efficacité du chasseur 50 ans après son premier vol.
Ce 27 juillet 1972 c'est un premier vol très prudent qui se déroule à Edwards. Le pilote Irving L. Burrows ne rentre pas les trains d'atterrissage. La prudence est de mise avec le précieux prototype. Mais l'impression générale est bonne. Le 3 août le chasseur est supersonique. Il faut corriger quelques petits défauts aérodynamiques avant que les premiers exemplaires arrivent en unité fin 1974. Au F-15A (monoplace) et F-15B (biplace) succéda bientôt les F-15C et D, versions modernisées. Réponse du berger à la bergère peu après pour les Soviétiques sous la forme des Sukhoi Su-27 et MiG-29, qui apparaissent à la fin des années 1970. Les premiers combats aériens avec les F-15 israéliens confirment néanmoins l'efficacité du chasseur américain. En 1982 au Liban, les pilotes israéliens revendiquent 40 victoires contre les MiG syriens pour zéro perte !
Nouvelles missions
Souvenez-vous, au départ le F-15 était un chasseur pur, l'attaque au sol étant tout à fait secondaire pour les militaires américains. Cependant au milieu des années 1980, l'US Air Force rechercha un nouveau chasseur-bombardier. McDonnell Douglas répondit avec le F-15E, désormais proposé en biplace compte tenu de son système d'armes plus perfectionné. L'avion gagnait des nouveaux pylônes, des équipements permettant la navigation à basse altitude et la visée des objectifs. Les puissants réacteurs permettaient facilement d'emporter des charges importantes. Ce fut désormais le F-15E qui servit de base aux versions ultérieures. La guerre du Golfe en 1991 confirma l'efficacité des versions de chasse et d'attaque au sol du Eagle - 36 des 39 victoires aériennes ! Le chasseur fut dès lors déployé dans tous les conflits, se révélant indispensable pour l'attaque et la supériorité aérienne.
Le F-15 accumule les contrats à l'exportation désormais sous la bannière Boeing, mais il sort toujours depuis la chaîne d'assemblage de Saint-Louis, siège historique de McDonnell Douglas. Après les Israéliens, les Japonais adoptèrent le F-15. Pour la petite histoire, il fut évalué en 1976 par deux pilotes français, qui apparemment revinrent ravis de leurs vols à bord ! Il fit plus que bonne figure lors des compétitions commerciales contre ses rivaux occidentaux comme le Rafale en Corée du Sud ou à Singapour. Son système d'arme est constamment mis à jour, et ses performances excellentes le maintiennent dans le peloton de tête parmi les avions de combat.
L'US Air Force avait envisagé de le remplacer à la fin des années 1980 par le chasseur furtif Lockheed F-22 Raptor. Non seulement ce dernier n'a pas évincé son aîné, mais l'US Air Force s'est même intéressée à une version encore modernisée du Eagle à la fin des années 2010. Et voici qu'entra en scène en février 2021 le F-15EX Eagle II, aussitôt commandé en série. Les vieux guerriers ne meurent jamais ! Regardez une photo du Eagle de 1972 et celle de son lointain successeur cinquante ans plus tard, vous y trouverez largement un air de famille. Tout laisse à penser que le F-15 a encore de beaux jours devant lui comme avion de combat. Méfiez-vous de ce quinquagénaire aux serres résolument acérées !