Alors que la presse canadienne se montre particulièrement inquiète sur les perspectives à court et moyen terme de Bombardier, l’avionneur de Montréal s’apprête à prendre d’importantes décisions quant à son avenir sur le marché de l’aviation régionale, voulant privilégier sa future famille de moyen-courriers Cseries, ses turbopropulseurs ainsi que ses gammes d’avions d’affaires Learjet, Challenger et Global.
Vers un abandon du marché des jets
régionaux ?
Comme l’a annoncé Guy Hachey, le président de Bombardier il y a une quinzaine de jours à Las Vegas, l’abandon de la famille CRJ (Canadair Regional Jet) dans les dix ans est un « scénario possible », jugeant le marché des jets régionaux de 70 à 100 places « de plus en plus saturé ».
Bombardier pourra moderniser sa famille de biréacteurs régionaux, mais ne lancera pas de nouvelle variante de son jet historique, Guy Hachey se montrant très dubitatif quant à de nouveaux investissements massifs pour renouveler cette gamme. Cette décision est évidemment tributaire des choix à plus ou moins long terme de son concurrent brésilien Embraer quant au lancement d’un possible successeur à ses E-Jet, famille qui ne cesse pourtant aujourd’hui d’engranger des commandes.
Bombardier n’a de son coté obtenu des commandes que pour 7 appareils fermes de la famille CRJ depuis le début de l’année et n’aura livré que six biréacteurs régionaux depuis le mois d’août, le carnet de commandes de l’avionneur canadien ne comprenant plus qu’une cinquantaine de CRJ700/900/1000 à livrer.
Les cadences de production ont été considérablement réduites ces derniers mois, Bombardier produisant normalement au moins 10 CRJ par trimestre. De plus une nouvelle baisse de la production a été officiellement annoncée en septembre pour pallier la baisse des commandes à court terme. Cette nouvelle réduction sera effective à partir de janvier prochain. Nous sommes bien loin de l’époque révolue de la « jet mania » où plus d’une dizaine de CRJ sortait de la ligne d’assemblage de Mirabel chaque mois.

Le turbopropulseur Q400 s’essouffle aussi
Mais des incertitudes existent aussi pour la famille Dash 8, avec une baisse significative des commandes depuis le début de l’année, le Q400 étant plus pénalisé que l’ATR 72 dans une conjoncture économique défavorable à cause de son coût d’acquisition plus élevé. De plus, le niveau actuel du prix du kérosène n’est pas pour faciliter les ventes d’un appareil dont la consommation en carburant est sensiblement plus élevée que celle de son concurrent européen, vitesse oblige.
La récente victoire d’ATR en Nouvelle-Zélande a été un coup dur pour Bombardier, une commande donnée pourtant largement acquise au Q400, Air Nelson opérant avec une flotte homogène de 23 DHC-8-Q300 de 50 places. Les commandes de Q400 accumulées depuis le début de l’année ne dépassent pas les 6 appareils fermes (Porter et Luxair) pour un total de 30 turbopropulseurs restant à livrer.

Le CRJ1000 (ici aux couleurs de Brit Air) pourrait bien être le dernier jet régional produit par Bombardier
Les cadences de livraisons pour le troisième trimestre restent encore relativement élevées compte tenu du backlog, 14 Q400 ayant été produits ses trois derniers mois. Tout porte ainsi à croire que l’avionneur canadien est sur le point de réduire massivement la production de son usine de Toronto dès les toutes prochaines semaines alors que son concurrent ATR a prévu d’augmenter progressivement sa production de 72 appareils l’année prochaine et jusqu’à 85 en 2014.
Pourtant Bombardier ne se montre pas particulièrement inquiet face aux ralentissements des ventes de ses turbopropulseurs. L’avionneur serait en discussion avec une dizaine de clients potentiels, dont des sociétés de leasing. De plus le projet d’allongement du Q400 figure toujours dans ses cartons (tout comme chez ATR), Bombardier n’ayant pas l’intention de sacrifier ses turbopropulseurs sur l’autel de son moyen-courrier CSeries.
Un nouveau partenariat en vue avec la Comac pour le CSeries
Bombardier et la Comac (Commercial Aircraft Corporation of China) ont annoncé en mars dernier la signature d’une entente stratégique en vue de saisir des opportunités de coopération sur les programmes C919 et CSeries.
Il est vrai que les deux avionneurs se positionnent désormais comme des concurrents directs d’Airbus et Boeing et que les deux futures familles d’appareils peuvent être vues comme complémentaires, même si la Comac propose également un appareil régional de 90 sièges : l’ARJ 21. Le plus gros appareil de la famille CSeries, le CS300, pourra accueillir un maximum de 125 passagers contre un minimum de 156 pour la version de base du C919.
Les détails de ce futur protocole d’accord entre les deux avionneurs pourraient être révélés vers la fin de l’année, mais il semble aujourd’hui clair que Bombardier ne voudra pas partager les risques du programme chinois dont la mise en service est toujours aussi floue (lire l’edito : Le C919 est-il crédible), ni ouvrir le capital de Bombardier à ses partenaires chinois.


