En 2012, l’industrie aéronautique et spatiale française, avec plus de 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires, a confirmé sa bonne santé en battant un nouveau record d’embauches : 15 000 personnes recrutées, dont 8 000 créations nettes d’emplois (+15 %). La filière compte désormais plus de 300 000 salariés selon le Groupement des Industries Aéronautiques et Spatiales (GIFAS), qui a publié son bilan annuel en avril dernier.
Poursuite des embauches en 2013
Avec des carnets de commandes de plus en plus remplis du fait de la forte croissance du trafic aérien mondial, particulièrement en Asie et au Moyen-Orient, tous les voyants sont au vert.
Les prévisions du GIFAS pour l’année en cours font état du maintien d’un niveau élevé d’embauches, « voisin de celui de 2012 ». La hausse de 3,4 % des ventes d’avions civils en 2012*, explique le dynamisme du secteur qui a encore de beaux jours devant lui puisque la flotte mondiale d’avions commerciaux et turbopropulseurs devrait passer de 22 529 en 2013 à 32 792 en 2023 (+3,8 % de croissance annuelle)**. Entre 2013 et 2018, cette croissance devrait même être plus importante puisqu’elle est évaluée à 4,3 % par an**.
Airbus a vendu 914 appareils en 2012 (commandes brutes) et prévoit d’atteindre les 1 000 commandes cette année. Au 31 août, l’avionneur européen affiche un carnet de commandes record (5 190 avions) pour au moins 7 années de production : 4 106 monocouloirs des familles A320/A320neo, 248 A330, 154 A380 et 682 A350 XWB (photo).

Infographie © Randstad
La pénurie de talents continue de hanter le secteur
Cette évolution des carnets de commandes entraîne une hausse significative des cadences de production. Conséquence, les industriels ont besoin de plus en plus de main-d’œuvre qualifiée pour garder le rythme et ainsi éviter des retards éventuels de livraison qui engendrent des frais non négligeables aussi bien du côté des donneurs d’ordre que des fournisseurs. Mais voilà, le pari n’est pas gagné pour les sous-traitants, toujours confrontés à une pénurie de profils sur le marché de l’emploi. « Cette pénurie a toujours existé, mais elle s’est accentuée ces deux – trois dernières années », analyse Mathieu de Redon, manager exécutif sénior chez Page Personnel à Toulouse, société d’intérim et de recrutement spécialiste des profils bac+2 à bac +4, notamment pour le secteur de l’aéronautique.
Améliorer la production pour être plus solide
Les donneurs d’ordre, plus que jamais dépendants des sous-traitants, encouragent ces derniers à réorganiser leur production afin de l’améliorer (lean management ) et ainsi accroître leur productivité. « L’augmentation des cadences impose des changements profonds des modèles organisationnels, qui pourraient presque se comparer avec certains segments de l’industrie automobile », observe le cabinet Ambroise Bouteille et Associés dans une étude publiée en 2012. ***
« Les méthodes de production optimisées de l’automobile intéressent l’aéronautique. C’est pourquoi, nous avons décidé d’ouvrir nos formations dans l’automobile aux étudiants du groupe ISAE [Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace, ndlr] souhaitant diversifier leur formation. L’objectif étant de transférer les compétences issues de l’automobile vers l’aéronautique (supply chain et conception) », indique pour sa part Pascale Ribon, la directrice de l’école d’ingénieurs spécialiste des transports Estaca.
« Les donneurs d’ordre ont besoin que les sous-traitants soient solides et organisés », rajoute le cabinet d’études.
Afin d’accompagner les sous-traitants dans cette mutation, la filière a mis en place des actions d’amélioration des performances de la supply chain à travers notamment Aérolean’K en Midi-Pyrénées et Aquitaine, ou encore le fonds d’investissement Aerofund créé en 2004. Après Aerofund I et II, Aerofund III, lancé en janvier 2013, prévoit d’investir 300 millions d’euros dans les PME de l’aéronautique, dont la moitié de cette somme provient des grands industriels du secteur.
Des actions liées à l’emploi sont également mises en place à l’image du projet ALBA lancé par le pôle de compétitivité francilien Astech. Ce projet a trois missions principales : la mise en place d’une offre de formation continue à destination des ingénieurs, cadres et techniciens de l’industrie aéronautique et spatiale et du secteur aéroportuaire, la mise en place d’un réseau d’excellence entre formateurs et demandeurs de formation (PME, GG) et enfin la construction et la mise en œuvre d’un dispositif de formation des salariés des PME.
Cofomeca Aéro, lancé en région PACA, répond également aux problématiques liées à l’emploi dans l’industrie aéronautique. Ce dispositif apporte aux PME des filières mécaniques et aéronautiques de la région des réponses concrètes à leurs besoins annuels en main-d’œuvre qualifiée grâce à la mise en place de formations professionnelles adaptées en partenariat avec l’AFPI.
De son côté, le système de partage d’alternants, lancé en 2012 par le GIFAS, commence à porter ses fruits. Nous revenons sur ce dispositif dans un autre article accessible sur ce lien : (Quand les donneurs d’ordre « partagent » leurs alternants avec les PME).
Quels sont les profils recherchés ?
Qui dit émergence d’un nouveau modèle industriel, dit besoin de nouveaux profils. Ainsi, les ingénieurs méthode, ingénieurs qualité, spécialistes de la supply-chain et du lean-manufacturing (amélioration continue de la performance industrielle) sont particulièrement prisés par les entreprises de l’aéronautique.
Toutefois, les recrutements concernent l’ensemble des fonctions avec une prédominance dans les métiers de la production en général. « Les industriels recherchent beaucoup de profils techniques au sein de l’innovation », relève Nicolas Leroy, directeur ingénierie et industrie chez Michael Page. « Il y a beaucoup de demandes sur les métiers techniques dues à l’augmentation des cadences de production. Concernant les ingénieurs, il y a de gros besoins sur les structures, notamment composites », renchérit Mathieu de Redon qui déplore toutefois que « les formations ne [soient] pas assez nombreuses et pas spécialisées ». Par ailleurs, chez Michael Page, 95 % des contrats offerts sont en CDI. Les recrutements s’effectuent sur tous les bassins d’emplois réputés aéronautiques, mais aussi à l’étranger notamment en Allemagne.
(*) Source AIA 2012.
(**) Source TeamSai Consulting, « Commentary to the 2013 – 2023 World Fleet & MRO Market Forecast”, 2013
(***) Étude sur les besoins prospectifs en ressources humaines du secteur aéronautique et spatial. Rapport de la « première analyse : identification et qualification des métiers en forte probabilité de tension », juin 2012. Étude réalisée pour le GIFAS et l’Observatoire paritaire, prospectif et analytique des métiers et qualifications de la Métallurgie.
