C’est pour l’instant une grosse boîte, qui porte le nom d’un Grec condamné pour l’éternité à monter un rocher au sommet d’une montagne, mais le système Sysiphe pourrait bien préfigurer la « reco » de demain. Dans le cadre du programme d’études en amont de la DGA, celle-ci développe actuellement un système d’imagerie hyperspectrale capable d’être embarqué sur des plateformes aéroportées, dans le but d’améliorer les capacités de renseignement par l’image.
L’imagerie hyperspectrale regroupe un ensemble de longueurs d’onde qui différencie les matériaux entre eux en fonction de leur nature et de leur texture, plutôt que de leur température, comme c’est le cas avec les systèmes infrarouges. « L’imagerie hyperspectrale permet d’obtenir une image en 3D, car acquise sur plusieurs bandes de fréquence. Elle est beaucoup plus précise que l’infrarouge. C’est comme un millefeuille de différentes fréquences, qui est ensuite décortiqué par un algorithme », explique la DGA, qui parle d’une image à très haute résolution. Une « bibliothèque » permet d’attribuer telle fréquence à tel matériaux et ainsi d’orienter et d’affiner la recherche sur les images obtenues.
Appliqué au domaine opérationnel, cette technologie pourrait par exemple permettre de détecter un char peint en vert et couvert de végétation. La chlorophylle apparaît sur une certaine bande de fréquence, qui n’est pas la même que la peinture verte. Il sera donc possible de différencier les deux matériaux et d’accroître ainsi la précision des renseignements collectés. La DGA annonce que l’objectif est de pouvoir préciser une cible de 50 centimètres au sol pour un avion volant à 2 000 mètres d’altitude.
« C’est une première européenne » selon la DGA, qui travaille en partenariat avec son homologue norvégienne la FFI (Forsvarets forskningsinstitutt), l’Onera ainsi que des PME (Leica, Sofradir et quelques autres). « Le système a été proposé à d’autres pays, mais pour l’instant seule la Norvège coopère avec nous sur ce projet » informe la DGA, qui reste ouverte à toute nouvelle participation extérieure, toujours en raison des contraintes budgétaires qui pèsent actuellement sur les budgets de Défense.
Une campagne d’essais en vol a été menée en septembre sur le site de la DGA Essais en vol. Le boîtier a été embarqué à bord d’un Dornier 228 pour valider le fonctionnement et les performances du système. Une nouvelle étude amont devrait être conduite en 2014 pour approfondir cette technologie et pouvoir offrir une première capacité opérationnelle à moyen terme.
Le démonstrateur ne peut pour l’instant pas être mis en œuvre à partir d’un pod, car beaucoup trop volumineux. « La prochaine étape c’est de travailler sur la compacité de cette technologie, pour, à terme, pouvoir l’embarquer sur des avions destinés aux missions de reconnaissance aérienne ». Une capacité qui sera bientôt entièrement dévolue aux Rafale, les Mirage F1 arrivant en fin de vie.
Pour autant, la DGA précise bien que cette technologie n’a pas vocation à être utilisée pour du ciblage, mais bien uniquement pour de la reconnaissance : « On reprend la mission de reco « de base », c’est-à-dire que c’est l’analyste images qui sera chargé après le vol d’interpréter ce que le pilote a pris en photo. Avec l’imagerie hyperspectrale, on améliore cependant grandement la qualité des clichés, et donc la fiabilité des renseignements et des informations qu’on en tirera ».

