EADS s’est trouvé deux pilotes. Aujourd’hui véritablement bicéphale, le groupe aéronautique franco-allemand a annoncé la composition de son nouvel organigramme le 25 juin 2005. Les deux Présidents exécutifs sont Thomas Enders, ancien responsable de la Division Systèmes de Défense et de Sécurité, et Noël Forgeard, ex-Président d’Airbus. Ils ont reçu un mandat de cinq ans immédiatement exécutoire. Ils dirigent l’entreprise avec le concours de Jean-Paul Gut et Hans-Peter Ring au sein d’un directoire, ce qui permet de centraliser les décisions et déplaisait aux Allemands. La hache de guerre entre les deux camps d’actionnaires (DaimlerChrysler du côté allemand, Lagardère et l’Etat du côté français) est donc enfin enterrée, après un conflit qui dure depuis l’automne 2004.
A cette occasion, les Présidents du Conseil d’Administration de EADS, Manfred Bischoff et Arnaud Lagardère, ont déclaré : «Nous sommes heureux qu’à la suite d’intenses discussions, nous puissions aujourd’hui proposer une excellente équipe et une nouvelle structure de management pour EADS. » En espérant que le groupe pourra retrouver son statut de modèle de la coopération franco-allemande, légèrement égratigné par cette mésentente.
Des négociations difficiles…
Si tout le monde au sein d’EADS était d’accord pour conserver l’équilibre franco-allemand, les discussions sur la répartition des pouvoirs entre les deux nationalités ont été âpres. Le groupe est en effet resté deux mois sans direction générale en raison des dissensions entre les deux camps. Le problème s’est particulièrement révélé sur l’épineux dossier de la nouvelle direction d’Airbus. Noël Forgeard parti, il fallait trouver quelqu’un pour le remplacer à la tête du constructeur basé à Toulouse. Avec les deux dossiers centraux que sont l’A380 et l’A350, il fallait une personne qui connaisse déjà l’entreprise. Gustav Humbert, le numéro deux, soutenu par DaimlerChrysler et Lagardère, paraissait tout indiqué. Mais laisser la tête d’Airbus à un Président allemand, pour la première fois de son histoire, signifiait pour les Français l’opportunité d’obtenir des contreparties au niveau du comité exécutif. Ce qui était hors de question pour les Allemands. D’où le blocage.
… mais pas de nomination surprise
En réalité, l’organigramme était prévisible, surtout depuis quelques semaines. Thomas Enders et Noël Forgeard ont été élus co-présidents d’EADS, Gustav Humbert est bien Président d’Airbus et M. Lagardère est parvenu à placer son ami d’enfance Jean-Paul Gut, ancien directeur marketing et vice-président international, au directoire. Fabrice Brégier reste à la tête d’Eurocopter, rebaptisée EADS – Division Hélicoptères.
L’ex-président d’Airbus garde son ascendant sur « sa » société en vertu du système typique de rapports croisés en vigueur au sein du groupe : le dirigeant d’une filiale doit référer au co-président exécutif qui n’est pas de sa nationalité, donc Gustav Humbert à Noël Forgeard, qui est aussi président du comité des actionnaires. Les acteurs semblent donc avoir trouvé un compromis satisfaisant toutes les parties. Après avoir traversé une longue zone de turbulences, le groupe va enfin pouvoir trouver son altitude de croisière…