Après deux ans de pandémie, la reprise du transport aérien mondial s’annonce cette fois compliquée par les effets collatéraux de l’invasion russe en Ukraine. À se demander finalement quelle pourrait être encore la prochaine catastrophe qui impactera les compagnies aériennes à plus ou moins court terme, un secteur qui traverse assurément son plus mauvais karma. Notre ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire n’y est d’ailleurs pas allé avec le dos de la cuillère ces derniers jours, prédisant une crise énergétique comparable à celle du 1er choc pétrolier de 1973.
Souvenons-nous, c’est cette crise qui avait tué le marché du Concorde et qui avait précipité le retrait de certains avions trop gourmands en carburant, à l’instar d’un grand nombre de DC-8, 707 et autres Convair quadriréacteurs, et ce au profit d’avions de ligne de nouvelle génération qui allaient pratiquement rester en service jusqu’à la fin des années 90.
Mais l’année 1973 c’était aussi l’année de l’émergence d’une nouvelle façon d’acquérir des avions pour les compagnies aériennes ; le crédit-bail ; un formidable outil permettant de réduire les risques des opérateurs face aux incertitudes de l’avenir et un vrai soulagement à l’époque pour les avionneurs qui allaient connaître de grandes difficultés pour placer leurs appareils. C’est d’ailleurs en 1973 que la famille Gonda lancera la célèbre société californienne ILFC, avec leur visionnaire ami Steven Udvar-Házy. Les premières bases d’un loueur qui restera longtemps l’exemple à suivre pour le secteur du crédit-bail étaient nées.
Et comme pour le 1er choc pétrolier, l’année 2022 s’oriente désormais vers le une nouvelle période d’incertitudes qui sera marquée par d’importantes fluctuations du prix du carburant d’une part, mais aussi par une généralisation de l’inflation d’autre part. La progression du cours du carburant sera encore une fois partiellement atténuée par les couvertures, par les répercussions à la hausse des prix des billets d’avion pour les passagers, par la possibilité d’intégrer des avions plus récents dans les flottes et par de multiples « mods & upgrades » venant optimiser la consommation des appareils existants. Les opérations long-courriers, déjà durement impactées par la pandémie, figureront évidemment encore en première loge. Mais le phénomène va aussi impacter de plein fouet les compagnies low-cost, tant au niveau facture carburant (qui représente par définition une part plus importante dans l’ensemble de leurs coûts que pour les autres compagnies présentes sur le même marché) qu’au niveau de l’inflation qui touchera en premier lieu leur clientèle cible, très sensible à leur politique de bas prix.
Difficile dans ces conditions d’imaginer un vrai ralentissement des livraisons pour des avions économes en carburant et que les futures commandes d’avions commerciaux puissent se passer du leasing ou de nouvelles opérations de cession-bail à la livraison, comme au plus fort de la pandémie. Le quotidien Les Echos vient par exemple de révéler une future commande d’Embraer E-Jets E2 par Air France destinée au renouvellement de la flotte de HOP, un contrat qui pourrait intervenir cet été, mais qui reste assujetti à de nouvelles mesures de réduction des coûts pour l’opérateur régional. Le détail du financement réel de ses avions sera particulièrement lourd de sens.
Les quelque 150 loueurs d’avions commerciaux se partagent aujourd’hui un peu moins de la moitié du total de la flotte mondiale. Évidemment, le récent décret russe qui équivaut à une saisie des actifs aéronautiques appartenant aux loueurs occidentaux a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours (lire notre précédent Édito Russie : les loueurs occidentaux vont-ils devoir s’asseoir sur plus de 12 milliards de dollars d’actifs aéronautiques ?). Mais la tendance de fond n’est évidemment pas là. Les loueurs d’avions commerciaux vont poursuivre leur inexorable conquête…

