La nouvelle avait été ébruitée par le quotidien économique La Tribune hier (Jean-Yves Le Drian lance la modernisation des Atlantique 2), elle a été confirmée ce vendredi par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian lors de sa visite sur le site de Thales à Brest pour fêter le cinquantenaire de la présence de l’industriel dans la ville : les avions Atlantique 2 de la Marine nationale vont bien être rénovés.
Le contrat a été signé par Jean-Yves Le Drian, le DGA Laurent Collet-Billon, le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier, le PDG de Thales Jean-Bernard Lévy, le PDG de DCNS Patrick Boissier ainsi que le directeur du SIAé (Service industriel de l’aéronautique). Le contrat, évalué à 400 millions d’euros, prévoit la modernisation des systèmes de mission (système tactique de mission, sous-systèmes capteurs et consoles de visualisation) de 15 appareils sur les 22 que compte la Marine nationale. La modernisation des « couteaux suisses » de la Marine nationale comprendra notamment le remplacement du radar Iguane de Thales par le Search Master AESA – à antenne active – capable de détecter « de tout petits périscopes dans une mer agitée ». DCNS sera lui chargé de la modernisation du logiciel de mission LOTI.
Dassault Aviation sera chargé de l’intégration de l’ensemble des nouveaux équipements sur les ATL 2. Un premier exemplaire subira toute une série d’essais en vol en tant que « démonstrateur » et devrait être livré en 2018. Le SIAé prendra la main à partir du troisième avion et les livraisons devraient s’étaler entre 2019 et 2023. Une cible en deçà des prévisions de la LPM, qui prévoyait la livraison de quatre ATL 2 rénovés sur la période 2014-2019.
Avec une avionique rénovée et un nouveau système de mission, l’Atlantique 2 a encore quelques belles années devant lui. Une nécessité, car il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’avion capable de le remplacer dans ses missions d’ISR, de patrouille maritime, de lutte anti-sous-marine. Livrés entre 1989 et 1997, les Atlantique 2 des flottilles 21F et 23F de la Marine nationale basés à Lann-Bihoué ont fait leurs preuves aussi bien au-dessus de la mer qu’au-dessus du désert.
Envoyées en Afrique, ces « frégates du ciel » à très long rayon d’action et à longue endurance ont notamment montré de belles capacités d’attaque en larguant des GBU-12 dans le cadre de l’opération Serval, ce qui les rend d’autant plus polyvalentes dans leurs missions. « Ils fonctionnent assez bien au-dessus du désert et ont été envoyés en Centrafrique et au Tchad en raison de l’efficacité du radar dans ces zones désertiques » indique-t-on chez Dassault. Pour leurs missions maritimes, les avions de patrouille maritime peuvent également être équipés de missiles Exocet et de torpilles MU90 ou Mk46.
La modernisation des Atlantique 2 va donc permettre de tirer le meilleur parti possible de leurs capacités jusqu’en 2030 au moins. Après, c’est encore la grande inconnue… Des études sont actuellement menées pour leur trouver des remplaçants, car il n’existe pas d’avion doté de telles capacités autre part qu’aux États-Unis avec les P-3 Orion de Lockheed Martin. Ainsi, les industriels (Dassault Aviation, DCNS et Thales), ainsi que l’état-major de la Marine et l’état-major des armées, planchent sur la question des besoins futurs de la patrouille maritime dans le cadre de l’étude Patmar 30. Une capacité absolument vitale, comme l’avait souligné le CEMM l’amiral Rogel lors d’une audition par la Commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale fin 2012 : « s’agissant de la modernisation des ATL 2, elle devient aussi une nécessité […]. Cela signifierait, sinon, que nous perdrions notre capacité pour les avions de patrouille maritime, comme l’ont fait les Britanniques (avec les Nimrod, ndlr), qui le regrettent, je crois, aujourd’hui. » Le gouvernement britannique avait d’ailleurs reconnu son erreur d’annuler le programme Nimrod MRA4 en 2010, se retrouvant de fait incapable d’assurer l’ensemble de ses missions de SURMAR et de PATMAR. Pas d’urgence, mais un risque latent, telles sont les conclusions actuelles du gouvernement.
Une situation qui ne devrait – en théorie du moins – pas se produire en France, car le délai qui court jusqu’à la fin de vie des ATL 2 est relativement large et va permettre aux industriels et au ministère d’anticiper suffisamment en amont. « En attendant, nous pourrons toujours proposer une plateforme telle que le Falcon 2000 MRA (Maritime Reconnaissance Aircraft) pour assurer l’intérim pour les missions de surveillance maritime » dit-on chez Dassault. A moins que d’ici là la technologie des drones de combat soit tellement développée que la France soit capable de les déployer pour reprendre ce type de mission, mais cela reste pour l’instant du domaine de la vision à très (trop) long terme…