Le Journal de l’Aviation a pu rencontrer le lieutenant-général Yvan Blondin, commandant l’Aviation royale canadienne, à l’occasion de son déplacement sur la BA 126 de Solenzara lors de l’exercice Serpentex. L’occasion de revenir sur la participation canadienne à cet entraînement, mais également sur les relations franco-canadiennes et les perspectives pour l’avenir.
Général, le Canada semble être venu « en force » pour l’exercice Serpentex organisé par l’armée de l’air française. Pourquoi avez-vous fait le choix d’envoyer autant de personnels canadiens outre-Atlantique ?
L’aviation royale canadienne est arrivée en Corse avec six CF-18, un CP-140, ainsi que 200 militaires. Nous avons envoyé autant de moyens pour différentes raisons : si on doit partir en opération, il faut traverser un océan, donc je me dois d’avoir une capacité expéditionnaire assez poussée, qui m’amène un peu partout dans le monde. Le fait de faire un exercice ici en Corse m’a donné l’occasion de traverser l’océan, d’amener mon équipe plus loin, mais aussi de valider un concept qu’on a développé depuis deux ans, qui est un « nucléus » de support pour nos missions expéditionnaires.
Le concept de l’exercice correspond bien aux missions qu’on peut mener avec nos CF-18, c’était donc l’occasion de venir « éprouver » le personnel et le matériel en situation d’exercice. Et comme il est destiné à être déployé par la suite dans un contexte opérationnel, il est important de l’avoir bien en main avant toute opération extérieure. Serpentex c’est aussi l’occasion pour nous d’échanger avec les Français et les autres nations présentes sur nos pratiques, et l’occasion idéale d’exercer les capacités qui avaient besoin d’être exercées à distance.
Quelles sont les relations actuelles entre les armées de l’air française et canadienne ?
J’avais déjà rencontré le général Denis Mercier au printemps, lors d’une visite officielle à Paris. Nous avons discuté de ce qu’on pouvait mettre en place en termes de coopération entre nos deux pays. La relation entre la France et le Canada a toujours été bonne, nous avons des racines communes.
Pour aller plus loin, je pense que le Canada est extrêmement bien positionné avec des relations privilégiées avec la France, mais également avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. C’est un groupe assez restreint qui partage un peu les mêmes valeurs et les mêmes objectifs, comme on a pu le constater avec les opérations récentes en Irak, au Kosovo et en Libye. Par expérience, il y a toujours quelques pays qui s’impliquent tôt dans les opérations, dont la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et le Canada, qui sont capables de travailler ensemble, parfois dans des conditions assez difficiles. Ça nous amène à nous assurer, une fois l’opération finie, qu’on va pouvoir être capable de le refaire. Il faut le faire aussi en entraînement, car le jour où il arrive quelque chose, on peut voler en 24 heures, il faut être opérationnel tout de suite.
Quelles sont les initiatives prévues pour le futur ?
Je suis très intéressé par le centre d’expérimentation qui est situé à Mont-de-Marsan (CEAM). Nous allons aller voir ce qu’ils font et envisager ce qui pourrait être faisable dans ce domaine-là chez nous au Canada. Je souhaite également aller plus loin dans le domaine de la simulation et je le fais en partenariat avec CAE, un industriel canadien, leader mondial en simulation. Nous aimerions pousser l’évolution assez rapidement et assez loin, car la simulation reste assez embryonnaire au Canada. La coopération avec la France pourrait nous permettre d’aller assez loin. Imaginez par exemple un monde virtuel créé entre la France et le Canada : si on avait les moyens technologiques et informatiques pour le faire, je pourrais avoir mes F-18 qui partent de Bagotville au Canada, des avions français partiraient eux de leur base et on ferait un exercice commun au-dessus de l’Afrique, le tout pendant deux semaines et chacun resterait dans son pays, car on ferait tout par simulateur. Le général Mercier et moi voyons de gros avantages à poursuivre des objectifs tels que celui-là et nous allons nous assurer que les personnels d’état-major puissent travailler ensemble pour permettre ce genre de choses à l’avenir.

