Eurodéputé membre du PPE (Parti Populaire Européen), Arnaud Danjean préside la sous-commission Sécurité et Défense. Pragmatique et réaliste, il livre au Journal de l’Aviation sa vision de l’Europe de la Défense et revient sur les défis de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).
Monsieur Danjean, vous avez déclaré lors de la conférence annuelle de l’Agence européenne de défense en mars dernier que l’assemblée présente pourrait être « un enterrement » d’ici quelques années.
Si vous faites le tour des pays européens en considérant les trois critères suivants : budgets de défense, capacités de défense, volonté d’utiliser opérationnellement ces capacités, le constat qui s’impose est malheureusement pessimiste. Même les pays qui étaient, jusqu’à présent, les plus engagés, sont en passe de « décrocher » sur le plan budgétaire. Au-delà de ce constat objectif, on peut s’interroger sur la volonté réelle des Etats européens d’assumer un rôle significatif en matière de défense, avec les contraintes opérationnelles que cela implique. L’ancien secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, avait déjà posé cette question aux Européens il y a deux ans. Depuis, je ne distingue pas de réponse claire de la part des Européens, à part quelques incantations à la « relance de l’Europe de la Défense ».
Vous avez également déploré que la Défense européenne ait pour principal problème la baisse des budgets, due à des décisions politiques. Rejoignez-vous le PDG d’EADS Tom Enders qui a affirmé que c’était toujours le politique qui posait problème ?
La décision budgétaire est LA décision politique par excellence puisqu’elle renvoie le législateur à la question fondamentale des choix de société. Or, nous assistons dans la plupart des pays européens à une baisse drastique des budgets de Défense, bien au-delà des ajustements ponctuels auxquels nous étions habitués en période difficile. Ces choix ont des conséquences et participent insidieusement d’une vision, à mon sens irréaliste, de l’état du monde qui nous entoure : nous baissons durablement la garde à un moment qui ne devrait pas inciter à le faire ! Sans compter les incidences directes, mais à plus long terme, sur toute l’industrie de défense, c’est à dire des savoir-faire industriels, technologiques et des emplois…
Quelle est selon vous la priorité absolue en matière de coopération européenne dans la Défense et quelles solutions préconisez-vous pour la rendre plus effective à l’avenir ?
Dans le domaine opérationnel, la coopération doit se renforcer afin que des déploiements conjoints, rapides puissent répondre à des besoins comme nous les avons connus au Mali ou en Libye. Les « battlegroups » existent mais leur utilisation reste totalement virtuelle. La marge de progression est importante et les projets franco-britanniques en la matière devraient inspirer d’autres partenaires européens. Sur le plan capacitaire, des initiatives telles que le commandement européen de transport aérien (l’EATC, ndlr) devraient s’élargir et se systématiser. Ce sont des avancées qui apparaissent modestes mais avec de réelles plus-values. Le défi de la certification harmonisée est également urgent.
Y a-t-il pour vous un exemple de coopération européenne réussie en matière de Défense européenne ?
Je viens de citer l’EATC, sur le plan opérationnel et institutionnel. Certaines coopérations industrielles sont également prometteuses et des programmes aéronautiques et maritimes sont le fruit de coopérations bilatérales ou multilatérales.
Plus globalement, quelle est votre vision de l’Europe de la Défense? S’agit-il d’une coopération industrielle, politique, étatique ?
La question est simple : dans un environnement de plus en plus multipolaire et volatile, l’Union européenne tient-elle à assumer ses propres responsabilités en matière de défense, ou souhaite-t-elle s’en remettre à d’autres pour sa sécurité et celle de son voisinage ? De mon point de vue, il est impensable qu’une plus grande responsabilisation de l’UE n’intervienne pas. Concrètement, cet effort reposera sans doute sur quelques pays, de façon pragmatique. Mais pour que tous se sentent concernés, il faudra que les mécanismes de solidarité, capacitaires et financiers, soient clairement envisagés.

