La période estivale fut incontestablement salvatrice pour le transport aérien européen, avec des avions très bien remplis et des recettes unitaires atteignant des sommets sur de nombreuses liaisons internationales. Le désir de voyages l’a bien emporté et la demande était même parfois bien au-dessus des capacités déployées.
Les trois grands groupes aériens que sont Air France-KLM, Lufthansa et IAG finiront tous logiquement l’année financièrement dans le vert, tout comme le géant du low-cost Ryanair. Easyjet et Wizz Air rateront très probablement l’équilibre en 2022, mais avec un retard de seulement un à deux trimestres par rapport à leurs grands concurrents.
Mais les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et de nouvelles menaces sont déjà en train de se cristalliser pour les prochains mois, en particulier pour la fin de l’hiver et le printemps prochains. La chute des prix des billets d’avions sur certains marchés (Europe, Atlantique Nord) est flagrante, alors que les capacités se rapprochent progressivement de leurs niveaux pré-covid. À cela s’ajoute toujours la volatilité du cours du carburant (plus de 900 dollars la tonne actuellement), l’inflation galopante qui pèse sur les dépenses des ménages et bien sûr la forte dépréciation de l’euro face au dollar, qui impacte aussi bien certains contrats régis en dollars (leasing, maintenance) que la demande de passagers sur certaines liaisons internationales.
Pour ne rien arranger, les transporteurs européens voient aussi leurs coûts fixes augmenter avec de nouvelles revendications salariales directes (hausse des salaires de 5% pour Air France pour lutter contre l’inflation) et des redevances qui prendront le même chemin (aéroports, contrôle aérien).
Et si la diminution de la menace Covid a clairement donné de la visibilité opérationnelle aux grandes compagnies aériennes, certains transporteurs européens restent particulièrement fragilisés après deux années de crise. Le spectre de nouvelles faillites réapparaît, comme pour la low-cost roumaine Blue Air qui croule sous les dettes ou encore SAS Scandinavian Airlines, certes placée sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, mais qui voit sa flotte ne cesser d’être amputée (au moins dix avions vont être restitués à leurs loueurs, dont cinq de ses quatorze gros-porteurs..). En France, la situation de la compagnie réunionnaise Air Austral reste particulièrement préoccupante face à une très forte concurrence, avec un sauvetage qui relève désormais du seul feu vert de la Commission européenne, avec une décision sur son sort attendue dans les toutes prochaines semaines.
Dans ce contexte, les promesses d’une nouvelle vague d’opérations de M&A se font toujours plus pressantes (ITA Airways avec Air France-KLM et Delta Air Lines, Air Europa toujours plus proche du groupe IAG via une conversion de prêt en capital, reprivatisation éventuelle de TAP…), l’Europe restant toujours marquée par un trop grand nombre de compagnies aériennes par rapport à d’autres régions du monde, héritage de l’histoire du Vieux Continent, oblige.
Finalement, avec la fin de la crise liée à la pandémie et avec la diminution progressive de l’effet « voyage de vengeance », c’est un peu comme si les compagnies aériennes européennes ne pouvaient plus éviter de faire face à leurs vieux démons…

