S’il y a un domaine pour lequel les sanctions occidentales mises en place contre la Russie en représailles à l’invasion de l’Ukraine ont un effet dévastateur, c’est bien celui de l’aviation commerciale. Le transport aérien russe est décimé depuis près de sept mois et le manque de pièces de rechange commence évidemment à se faire sentir, avec de vrais risques pour la sécurité des passagers montant à bord des avions des compagnies aériennes russes.
Évidemment, la lettre d’intention d’achat signée par Aeroflot auprès de United Aircraft Corporation pour s’équiper de plus de 300 appareils de fabrication russe (MC-21, SSJ NEW et Tupolev 214) d’ici à 2030 était une bonne opération de communication, très certainement tournée tout particulièrement vers l’opinion publique russe, tant les difficultés industrielles seront importantes pour venir « russifier » les deux programmes d’avions de ligne les plus récents dans les prochaines années.
Car il n’est évidemment pas question ici que de la seule remotorisation de ces programmes avec les réacteurs PD-14 et PD-8 d’Aviadvigatel, de nombreux équipements et systèmes, parfois critiques, dépendant très largement de technologies occidentales. Et pour ne rien arranger, la Russie doit aussi faire face au blocage des importations de semi-conducteurs avancés en provenance des États-Unis, de Taïwan, du Japon et d’Europe, compliquant encore davantage les ambitieux projets aéronautiques du pays.
Mais à plus court terme, les compagnies aériennes russes commencent aussi à manquer d’importantes pièces détachées étrangères pour continuer à faire voler leur flotte, avec des premiers appareils en cours de cannibalisation pour servir les besoins de leurs autres avions. Plus de 90% des appareils en service en Russie dépendent en effet des pièces de rechange occidentales. Cela touche évidemment des monocouloirs A320 et 737NG, qui représentent logiquement une part importante de la flotte russe, mais aussi le Superjet de Sukhoï et des gros-porteurs comme l’A350. Une réglementation concernant les pièces recyclées devrait d’ailleurs voir le jour en Russie au début de l’année prochaine. Les besoins se font aussi évidemment croissants pour les consommables et les pièces d’usures, comme les pneumatiques ou les freins carbone.
Plusieurs compagnies aériennes russes ont d’ailleurs récemment émis des consignes à leurs pilotes pour « lever les pointes des pieds » en ce qui concerne les niveaux de freinage lors de phase d’atterrissage et de roulage, quitte à utiliser davantage les inverseurs de poussée des moteurs (ce qui se payera aussi un jour). Les contrôleurs aériens doivent quant à eux augmenter les séparations lors des approches afin de permettre de donner plus de temps aux avions pour évacuer les pistes de principaux aéroports du pays, et ainsi préserver leur potentiel.
Ce qui est sûr c’est que l’hiver qui approche sera long et particulièrement rude pour l’aviation commerciale russe.

