C’était une actualité bien difficile de manquer durant mon court séjour à Atlanta la semaine dernière, car tournant en boucle sur toutes les chaînes d’information américaines, tant locales* que nationales. Le transport aérien américain est menacé d’un véritable « tsunami de départs à la retraite des pilotes de ligne » selon un rapport rédigé par Faye Malarkey Black, la présidente de la Regional Airline Association (RAA), avec pratiquement la moitié des effectifs actuels qui devront quitter les postes de pilotage au cours des 15 prochaines années.
Pire, ces départs concerneront par définition les plus qualifiés d’entre eux, ce qui pénalisera d’autant plus les compagnies aériennes régionales qui seront véritablement dépouillées de leurs pilotes les plus expérimentés (et donc de leurs instructeurs) par les grandes compagnies aériennes nationales et intercontinentales.
La présidente de la RAA joue évidemment son rôle en venant défendre le beefsteak des principales compagnies « commuter » américaines, déjà particulièrement impactées par les effets de la crise liée à la pandémie avec la diminution de la demande corporate et des flottes entières de jets régionaux qui ne sont tout simplement plus viables aujourd’hui au regard de leurs coûts opérationnels.
Cette future pénurie de pilotes, phénomène désormais quasiment mondial, était évidemment déjà bien connue du secteur depuis des années. Mais ce qui marque cette fois, c’est qu’elle sera particulièrement aiguë à relativement court-termes sur le plus gros marché mondial, avec à la clé une nette baisse de la connectivité, d’importants problèmes de capacité et évidemment une nouvelle augmentation induite des prix des billets d’avion à craindre pour les passagers dans les prochaines années. Bien sûr, les « majors » américaines continueront encore un temps à puiser dans le gisement de pilotes des compagnies aériennes régionales, mais le processus n’est clairement plus une réponse pérenne.
Évidemment, différentes mesures palliatives existent, comme cette possibilité d’allongement de la date de départ à la retraite de 65 à 67 ans (5000 pilotes concernés, la moitié du nombre de nouveaux pilotes formés chaque année aux US), la réduction des coûts des formations des jeunes pilotes qui constituent un véritable frein (notamment par la multiplication des simulateurs), voire de nouveaux dispositifs d’abaissement de la règle des 1500 heures de vol requises par la Federal Aviation Administration (FAA) pour pouvoir s’asseoir sur le siège droit d’un avion de ligne aux États-Unis (First Officer Qualifications – FOQ) sur le plus long terme, à l’instar de ce qui se fait en Europe, et évidemment sans toucher à la sécurité des vols.
Les besoins massifs de nouveaux pilotes de ligne sont connus depuis des années aux quatre coins du monde, avec des chiffres particulièrement précis réévalués chaque année par Airbus et Boeing sur une période de 20 ans et qui sont une référence. Selon le dernier Global Services Forecast (GSF) de l’avionneur européen, il faudra ainsi former 585 000 nouveaux pilotes de ligne d’ici 20 ans à travers le monde, soit plus de 80 par jour. Un sixième concerne l’Amérique du Nord, tout comme l’Europe.
Le « tsunami » était donc bien prévisible, mais il n’a pas été pris au sérieux. Fort heureusement, le métier de pilote de ligne reste l’un de ceux qui attire le plus dans le secteur de l’aviation, ce qui n’est hélas pas le cas de bien d’autres métiers tout aussi importants pour l’avenir du secteur, et qui deviennent de plus en plus problématiques…
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(*) Delta Air Lines et l’aéroport international Hartsfield-Jackson d’Atlanta sont les principaux pourvoyeur d’emplois dans l’État de Géorgie.

