Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Airbus et sa filiale dédiée à l’innovation Airbus UpNext font le buzz depuis quelques jours dans l’ensemble des médias de la planète avec le projet DragonFly. Un A350-1000 de l’avionneur est aux essais depuis plus de six mois avec un système expérimental qui lui permet de se poser sans aucune intervention des pilotes en cas d’urgence pour augmenter encore la sécurité des vols. Je passerais mon tour sur le côté mimétisme de la faune animale, mais un déroutement et un atterrissage ont ainsi déjà été réalisés par l’appareil de façon autonome en novembre et tout porte à croire qu’un cycle de vol pratiquement entièrement automatisé est dans les tuyaux pour cette année.
Bien évidemment, Airbus ne cherche pas encore à remplacer les deux pilotes au poste des avions commerciaux de sa gamme même si l’on sait qu’il travaille parallèlement depuis quelque temps sur son Project Connect, une autre initiative qui doit permettre à l’A350 de pouvoir voler avec un seul pilote dans le cockpit durant la phase de croisière et ainsi permettre aux opérateurs de s’affranchir des pilotes de relève pour les vols les plus longs.
En fait avec le projet DragonFly, Airbus planche plutôt sur l’équivalent de la fonctionnalité de secours Autoland de Garmin (suite avionique G3000 présente sur le TBM940/960), mais cette fois sur un avion commercial de plus de 250 tonnes et pouvant transporter plus de 400 passagers. Un tel système pourra alors permettre d’éviter une catastrophe comme celle qui était survenue sur un 737-300 de la défunte compagnie chypriote Helios Airways en 2005, où les deux pilotes avaient été victimes d’hypoxie jusqu’à leur évanouissement. Ce type d’accident reste extrêmement rare, mais cette nouvelle couche de sécurité pourra définitivement prévenir tout risque de ce type, avec à la clé une avancée majeure sur la longue route menant vers une aviation commerciale autonome.
La tâche est évidemment immense et différentes filiales d’Airbus se sont associées à des équipementiers majeurs comme Cobham, Collins Aerospace, Honeywell, et bien sûr Thales pour pouvoir interagir avec les différentes fonctions avions impliquées. L’initiative DragonFly s’associe aussi à l’ONERA et à la DGAC et s’inscrit dans les plans de relance européen et français de 2020.
La partie émergée de l’iceberg consiste en ces trois caméras qui sont venues prendre la place des sondes de lacets (SSA), désormais virtualisées et en cours de suppression sur les A350 précédemment équipés, afin d’explorer de nouvelles fonctionnalités d’assistance à l’atterrissage et au roulage grâce à l’analyse d’images. Il est bien sûr aussi question de dialoguer automatiquement avec le contrôle de la navigation aérienne, de générer un nouveau plan de vol optimal pour le déroutement avec la prise en compte des informations des aéroports et des conditions météorologiques en vigueur.
Dans un esprit start-up, Airbus UpNext fourmille ici d’idées neuves en s’inspirant d’innovations venues du monde de l’automobile et des géants du Web et de l’IA par exemple. DragonFly suit d’ailleurs le précédent projet ATTOL (Autonomous Taxi, Take-Off and Landing), avec un programme d’essais en vol automatiques qui s’était étendu sur deux ans et qui avait accumulé plus de 500 vols jusqu’en juin 2020. Mais Airbus peut aussi capitaliser sur des innovations introduites dans certains de ses postes de pilotage depuis quelques années, à l’instar de la fonctionnalité Brake to Vacate lancé sur l’A380 (et qui aura un équivalent pour la première fois chez Boeing avec l’entrée en service du 777X en 2025), et plus récemment avec l’AED (Automatic Emergency Descent) sur l’A350.
Reste maintenant à voir comment les nouvelles briques technologiques du projet DragonFly viendront progressivement un jour à bord de la gamme d’avions commerciaux de l’avionneur, à commencer par l’A350 lui-même. Ce que l’on imagine aussi, c’est ce grand fossé qui risque bien de se creuser entre Airbus et les autres sur la route des avions de ligne autonomes, même si certaines innovations pratiques sont aujourd’hui testés sur l’ecoDemonstrator 777 chez Boeing pour optimiser les temps de roulage par exemple.
Mais le plus cocasse, c’est qu’en même temps, en Russie, les opérateurs mettent la pression sur le groupement industriel aéronautique UAC pour ne pas voir réapparaître le métier de mécanicien navigant avec la production d’avions de ligne d’un autre siècle ; tout un symbole…