Elles ont été plus de deux cents à présenter leur parcours et leurs engagements dans le secteur aéronautique, spatial et de défense. Deux cents à montrer que les femmes avaient leur place dans ce monde qui reste très masculin mais qui s’ouvre. A montrer qu’elles avaient le pouvoir de contribuer à la transformation du secteur, que ce soit au niveau technique, organisationnel ou humain. Ce soir du 3 décembre, huit d’entre elles ont été distinguées par le Prix Femmes de l’Aéro et du Spatial, au cours d’une cérémonie organisée par Le Journal de l’Aviation et le GIFAS à l’Aéro-Club de France. Par leur leadership, leur expertise, leurs innovations, elles viennent grossir les rangs des rôles modèles, susceptibles de convaincre les jeunes femmes que cette filière leur ouvre grand ses portes.
Le Prix du Jeune Talent – Hélène Boucher est attribué à Marie-Lou Viollet, ingénieure d’essais sur Ariane 6 pour ArianeGroup. Après avoir participé à la campagne d’essais pour le nouveau lanceur, elle s’est attachée à vérifier la pertinence des contraintes et spécificités imposées dans les phases de qualification lors du passage à l’industrialisation. En travaillant avec les équipes de production et en proposant d’adapter certains processus, son action a permis une meilleure cohérence entre besoins techniques et réalités industrielles, sans compromettre la sécurité ni la fiabilité. Elle est également engagée auprès de deux associations pour promouvoir la féminisation des métiers techniques et du secteur spatial. « On a besoin d’exemples, surtout quand on est jeune », affirme-t-elle.
Le Prix du Management – Maryse Bastié revient à Véronique Pain, cheffe du Centre scientifique d’ArianeGroup. Après s’être battue pour suivre de prestigieuses études malgré les difficultés et pour progresser dans sa carrière, Véronique Pain a participé à la réussite des essais en vol du missile M51 de 2011 à 2017 en pilotant les interfaces avec le centre d’essai de DGA-EM à Biscarrosse et avec le Bâtiment d’Essais et de Mesures Monge, démontrant ses compétences techniques mais aussi sa capacité à gérer un programme en gérant les intérêts parfois contradictoires des parties prenantes.
Le Prix des Métiers Techniques et de Terrain – Jacqueline Auriol distingue Maëva Guibert, soudeuse chez Airbus Atlantic. Evoluant dans un domaine hautement pénurique, elle travaille sur un projet pionnier de réservoir à hydrogène, qui l’a amenée à utiliser ses connaissances en chaudronnerie, ajustage et assemblage pour réaliser des prototypes mais aussi à participer à la conception d’outillages. Travaillant avec le bureau d’études pour partager son expérience terrain, elle a ainsi contribué à la création de l’un des premiers prototypes de réservoir à hydrogène dans l’industrie aéronautique et à la validation de la faisabilité d’essais de soudure robotisés sur d’autres applications à venir.
Le Prix de l’Enseignement et de la Transmission – Louise Faure Favier récompense Sandra Bouxirot, fondatrice et directrice de France-BIA.com. En créant cette plateforme numérique dédiée à la préparation du Brevet d’Initiation Aéronautique, elle a transformé l’accès à cette formation aéronautique en France, l’ouvrant à tous, sans condition de localisation, de niveau scolaire, tout en favorisant le travail collaboratif malgré la dématérialisation. Ce faisant, France-BIA a ouvert l’apprentissage de l’aéronautique à un public beaucoup plus large et diversifié.
Directrice de recherche à l’ONERA, Estelle Piot remporte le Prix de l’Innovation & de la Recherche – Valérie André pour ses travaux sur la laminarité et les liners acoustiques, qui réduisent la consommation de carburant et les émissions sonores des avions. Elle a contribué à la réalisation de démonstrateurs de technologie dans ces domaines, et piloté deux projets dans le cadre de l’initiative européenne CleanSky2. Elle a pris la tête d’une équipe de recherche en 2014, dont elle a étendu le champ applicatif et scientifique et doublé les effectifs. Seule femme à diriger une équipe de recherche dans son département à l’ONERA, elle a à cœur d’encourager ses collègues féminines à ne pas s’imposer de barrières.
Le Prix de la Carrière – Caroline Aigle revient à Florence Minisclou, directrice générale de la division Moteurs civils de Safran Aircraft Engines. Son parcours démontre lui aussi que l’on peut être une femme issue d’un milieu modeste et embrasser avec succès une carrière scientifique et de management. Au sein de Safran, elle a notamment lancé l’initiative BYP (Boost your performance), qui visait à réinventer la façon de piloter les programmes et les projets. En plus de déboucher sur des pratiques plus performantes, cette initiative a renforcé le collectif, soutenu une approche plus agile et plus humaine de la gestion de programme et introduit une nouvelle philosophie de travail dans laquelle les pratiques sont questionnées.
Au sein du Flightlab d’Airbus, Sandrine Rolland pilote les projets dédiés à l’efficacité énergétique et à la durabilité, et a notamment contribué au projet ZEROe. Le Prix de l’Initiative Sociale ou Environnementale – Marie Marvingt salue son rôle dans la définition d’une stratégie d’apprentissage des connaissances techniques et opérationnelles liées à l’hydrogène et de démonstration de faisabilité des nouvelles technologies et du concept avion. Elle a permis d’identifier les lacunes de connaissance, de développer des moyens d’essais pour découvrir les particularités de l’hydrogène et mûrir les technologies.
Enfin, Yannick Assouad, executive vice-president chez Thales Avionics, est distinguée par le Grand Prix Femme de l’année, pour son implication au CORAC (Conseil d’orientation de la recherche de l’aéronautique civile). Également connue pour ses rôles de dirigeante au sein de Zodiac Aerospace puis Latécoère, elle est actuellement présidente du comité de pilotage du conseil scientifique, où elle fédère l’ensemble de l’écosystème aéronautique et sécurise les moyens. Elle défend notamment la nécessité de maintenir des investissements importants en R&D pour que la France ait une position forte en tant qu’acteur de l’aviation durable. Elle veille également à ce que tous les leviers soient actionnés, y compris ceux en dehors du périmètre des industriels de l’aéronautique et du spatial (par exemple la promotion des carburants durables d’aviation). Que ce soit au sein du CORAC ou de Thales Avionics, elle œuvre au quotidien et avec détermination pour l’aviation durable. Ingénieure, directrice technique, dirigeante, elle « a voulu montrer que l’excellence n’a pas de genre » et s’engage pour que les femmes puissent prendre leur place.
Malgré des parcours, des fonctions et des aspirations très différentes, toutes n’ont qu’un message à adresser aux femmes et aux jeunes filles : le secteur aéronautique et spatial est passionnant à tous les niveaux, de la production aux bureaux d’études jusqu’aux directions, et il serait dommage de s’interdire de l’approcher en raison de biais de genre injustifiés. Les femmes y ont toute leur place, elles n’ont plus qu’à oser la prendre : « ne vous demandez pas si vous êtes légitimes. Vous l’êtes », affirme Yannick Assouad.