Aigle Azur lâche l’affaire pour Pékin. Après deux ans de travail et de déconvenues, la compagnie française a décidé d’abandonner son projet de desservir la capitale chinoise. Cette décision ne remet pas en cause sa volonté de se développer sur le long-courrier, qui représente même l’un des points majeurs du plan de redressement que Cédric Pastour, son PDG, a présenté le 23 octobre.
Si les liaisons vers la Russie ne font pas l’essentiel de l’activité d’Aigle Azur, la compagnie subit néanmoins de plein fouet la dégradation de la situation liée à la crise ukrainienne. Confrontée à une baisse de la demande et de la rentabilité sur la ligne Paris – Moscou, elle a confirmé sa suspension à partir du 26 octobre. Cédric Pastour indique qu’elle pourrait être réinstaurée dans le futur mais qu’il « ne voit pas de perspective de reprise sur le très court terme. » En raison de la tension entre l’Europe et la Russie mais aussi du maintien du visa : « le visa est un frein sérieux au déplacement des gens. »
Ces relations tendues avec la Russie ont également poussé la compagnie à abandonner son projet de desservir Pékin : « ce n’est plus d’actualité car la situation est complètement bloquée », qu’il s’agisse d’emprunter la route transsibérienne ou même la « route n°2 » (par le Kazakhstan). Aigle Azur lutte depuis plusieurs années pour obtenir le droit de survoler la Sibérie mais différentes crises sont venues perturber les négociations entre la France et la Russie sur l’interprétation de l’accord bilatéral sur les droits de trafic, les dernières étant celle de l’ETS et l’embargo de l’Union européenne contre les entreprises russes. « Tout le monde a sous-estimé le problème du survol de la Sibérie », déplore Cédric Pastour, qui ajoute que « tant qu’il n’y aura pas une réunion bilatérale entre la France et la Russie, le projet est abandonné ». Aigle Azur se détourne donc de toute l’Asie.
De difficiles négociations avec les pilotes
Mais les relations avec Moscou ne sont pas seules responsables de l’échec du Paris – Pékin. Les accords à négocier avec les pilotes y ont également participé. Se lancer sur le long-courrier implique en effet une renégociation des accords collectifs des PNT et des PNC, qui a déjà échoué deux fois avec les pilotes. Un troisième round est prévu, dont Cédric Pastour estime qu’il a plus de chance d’aboutir sur un accord. « Les pilotes savent qu’il faut se transformer. La conscience n’est pas la même qu’en mai. »
La renégociation des accords collectifs permettra également à la compagnie d’améliorer sa productivité. L’objectif est de 10%. Actuellement, la moyenne d’heures de vol des PNT est similaire à celle d’autres compagnies de taille similaire. En revanche, les heures de vol des PNC sont trop faibles. Un état que le PDG explique par la fatigue induite par le service particulier (notamment les repas chauds sur tous les vols) de la compagnie, qui entraîne un taux d’absentéisme relativement élevé.
Le nouveau plan de vols sera mis en place le 1er avril 2015. Il comprendra une modification des horaires et des augmentations de fréquences vers Alger (au départ de Paris et Lille), ainsi que sur la ligne Lille – Oran.
Le développement du long-courrier toujours à l’ordre du jour
« Aigle Azur ne peut pas durablement rester sur un seul faisceau. Le redéploiement passera par le long-courrier, avec des gros-porteurs. D’autant qu’il n’y aura pas de développement sur le moyen-courrier. » La compagnie travaille donc sur un plan de redéploiement du long-courrier vers l’Afrique, sa zone de prédilection. Dans un premier temps, ce plan passera par une augmentation des fréquences sur Bamako, déjà desservi, à partir du mois d’avril 2015.
La suite est conditionnée à la réussite des négociations avec les pilotes puis les PNC concernant les modalités de l’exploitation d’un secteur long-courrier. Ce qui devrait prendre plusieurs mois. Aigle Azur doit également trouver des gros-porteurs, la lettre d’intention initialement signée en avril avec Dubai Aerospace pour deux A330-200 n’ayant pas été ratifiée. Par ailleurs, elle exclut la possibilité de recourir à des appareils de son actionnaire HNA.
Les prochaines destinations envisagées sur l’Afrique pourraient être dévoilées dans quelques mois. Mais pour le moment, le secret est bien gardé. « Vous pouvez imaginer que quand on annoncera les destinations en Afrique, on sera en concurrence frontale avec Air France. » Par ailleurs, « un calendrier raisonnable et atteignable [pour le lancement de ces liaisons] serait avril 2016. »