Malgré sa marge de progression considérable, le transport aérien africain est lourdement entravé. Selon le directeur de l’autorité ougandaise de l’aviation civile, Dr W. Rama Makuza, l’asbence de libéralisation est à la source de tous les problèmes de l’aviation africaine : elle a des effets préjudiciables sur la sécurité, les taxes et la croissance du trafic.
La sécurité, défi majeur de l’aviation africaine
La sécurité reste l’un des principaux points noirs de l’aviation en Afrique. L’IATA rappelle que lorsque la proportion mondiale d’accidents avec perte de cellule est d’un pour 5 millions de vols, celle d’Afrique est ramenée à un accident pour 270 000 vols. Autrement dit, si l’Afrique ne représente que 3% du transport aérien mondial, elle concentre 17% des accidents.
C’est pourquoi l’association travaille à aider les compagnies africaines à obtenir leur certification IOSA. L’objectif (fixé par la déclaration d’Abuja) est de hisser l’aviation africaine au niveau de l’aviation mondiale en termes de sécurité d’ici 2015. Ainsi, cette année, 33 compagnies ont participé à des ateliers IOSA. Dix sont prêtes à débuter leur formation, dont Asky, Camair-Co, Air Côte d’Ivoire, Senegal Airlines ou Rwandair.
Par ailleurs, les régulateurs d’une quarantaine de pays ont également participé à des ateliers sur la sécurité en 2012. Le manque de surveillance des autorités, de contrôle aérien et l’absence de système de gestion de la sûreté sont en effet d’importants facteurs contributifs aux accidents dans la région.
Les taxes mettent du plomb dans l’aile des compagnies
Si la sécurité et le manque de fiabilité (retards fréquents) des vols nuit fortement à l’image du transport aérien africain, celui-ci souffre également de ses coûts opérationnels : prix du carburant et taxes aéroportuaires étouffent les compagnies de la région.
Le carburant, qui représente déjà le tiers des dépenses des compagnies mondiales et l’une de leurs principales préoccupations, est 21% plus cher en Afrique que dans le reste du monde. Le poste représente ainsi couramment 45 voire 55% des dépenses des transporteurs africains. L’IATA explique que les gouvernements locaux voient l’aviation comme un produit d’élite plutôt que comme un facteur de développement économique et imposent d’importantes taxes sur le kérosène, beaucoup étant par ailleurs en violation avec les principes de l’OACI – par exemple celles sur le carburant pour les vols internationaux.
Malgré cela, les fonds ainsi prélevés ne sont réinvestis ni dans les infrastructures aéroportuaires ni dans les infrastructures liées à l’approvisionnement et au stockage du kérosène, conduisant régulièrement à des situations de pénurie. La situation s’est arrangée dans certains pays, comme l’Angola qui a réduit ses taxes ou l’Ouganda qui a amélioré ses capacités de stockage. Cependant, l’IATA estime que le travail à abattre est encore important.
Un assortiment de taxes sur les billets vient encore aggraver la situation : taxes de solidarité, pour le tourisme, TVA et charges pour le développement des infrastructures. La « taxe Chirac » (de solidarité pour la lutte contre les maladies) a été adoptée par onze pays dans le monde, dont neuf en Afrique. Les taxes pour le développement du tourisme augmentent le prix des billets d’entre 5 et 16 dollars dans au moins quatre pays (dont la Côte d’Ivoire et le Mali). Une dizaine de gouvernements ont également imposé une TVA de 1 à 20% sur le prix des billets. Enfin, la multiplication des charges aéroportuaires achève de rendre le transport aérien non compétitif. Tony Tyler cite l’exemple du Sénégal où les taxes pour les infrastructures aéroportuaires atteignent 54 dollars, soit la totalité des charges appliquées à l’aéroport de Londres Heathrow.
Une libéralisation essentielle
Mais le besoin le plus impérieux de l’aviation africaine reste celui de libéralisation du transport aérien sur le continent. Selon le Dr W. Rama Makuza, l’Afrique est si mal desservie en partie à cause du protectionnisme des Etats qui répugnent à ouvrir leur ciel aux autres transporteurs, africains ou non, craignant que leur compagnie nationale ne succombe à la compétition. Le CEO d’Ethiopian Airlines, Tewolde Gebremariam, ajoute : « Je ne suis pas sûr que nous en soyons au point où les gouvernements comprennent qu’il n’est plus nécessaire de mettre un drapeau sur la queue d’un avion. »
Pourtant, l’idée d’instaurer un ciel ouvert en Afrique remonte à 1999 et la décision de Yamoussoukro, par laquelle de nombreux pays africains ont approuvé le principe de la libéralisation. Elle a été adoptée en 2000 par l’Union Africaine et devait être appliquée à partir de 2002. Mais sa mise en place n’a jamais eu lieu.
A l’extérieur du continent également, les critiques fusent. Akbar al Baker dénonce vigoureusement ce protectionnisme : « je pense qu’il est très important que les autorités revoient leur politique de la porte fermée. » Le CEO de Qatar Airways ne vise pas seulement les politiques. Selon lui, « les compagnies dominantes ont une énorme influence sur les gouvernements et leur fournissent des informations déformées. »
La conséquence est que l’Afrique est la région la plus mal desservie du monde. Pour traverser le continent, d’est en ouest ou du nord au sud, l’Europe et, depuis plus récemment, le Moyen-Orient sont des passages privilégiés.