Les acteurs du transport aérien ont toujours gardé un oeil sur le cours du baril de pétrole. Ces dernières années, il était plutôt détendu, le cours ayant fortement chuté depuis mi-2014. Après avoir plongé de 115 dollars le baril de Brent en 2014 à moins de trente dollars au tout début de 2016, il est remonté progressivement depuis sans jamais atteindre les niveaux records du début de la décennie. Cette remontée avait été anticipée, aucun acteur du transport aérien ne s’attendant à ce que le pétrole reste à un niveau aussi bas que 2015-2016.
Aujourd’hui, le cours flirte avec les 75 dollars le baril et n’est jamais repassé sous la barre des 60 dollars ces six derniers mois. Des risques géopolitiques risquent de le faire progresser encore, comme la situation toujours critique du Venezuela ou les incertitudes qui pèsent autour du renouvellement de l’accord sur le nucléaire iranien par les Etats-Unis (verdict le 12 mai).
Le poste carburant pesant le tiers des dépenses d’une compagnie, celles dont la stratégie inclut le recours à la couverture sont donc plutôt bien loties aujourd’hui. C’est par exemple le cas de Qantas, qui vient d’annoncer qu’elle était couverte à près de 70% pour l’année fiscale 2019, ou de Southwest Airlines, qui a réussi à limiter la hausse de sa facture au premier trimestre. Toutes deux ont d’ailleurs pris des mesures pour pallier une progression continue des tarifs du kérosène avec l’accélération du renouvellement de leur flotte. Qantas par le remplacement de ses 747 par des 787, 20% plus efficaces en termes de consommation et qui permettront également des économies sur le poste de maintenance, Southwest par le remplacement de ses 737NG par des 737 MAX. Le groupe Air France-KLM est quant à lui couvert à près de 60%.
Au contraire, American Airlines a vu ses résultats se dégrader à cause du carburant (poste de dépenses qui a augmenté de plus de 25% au premier trimestre) et a revu à la baisse ses objectifs de bénéfice sur l’année. Air Canada également a souffert, avec une augmentation de 7% de sa consommation mais de 16% de sa facture. Elles aussi ont profité de l’accalmie en 2015 et 2016 pour lancer le renouvellement de leur flotte, sans succomber à la tentation de maintenir plus longtemps que prévu des appareils moins efficaces. Quant à Delta Air Lines, elle redoute l’imprévisibilité de l’évolution des cours.
Aujourd’hui, les compagnies sont en général mieux armées qu’elles ne l’étaient en 2010 pour faire face à une nouvelle augmentation de la facture carburant, puisqu’elles ont beaucoup travaillé à la réduction de leurs coûts partout où cela était possible et n’ont jamais vraiment relâché la vigilance depuis. En revanche, elles vont devoir faire preuve de plus d’imagination si elles doivent trouver de nouvelles économies à faire… ou de nouvelles recettes à générer pour compenser. Un constat qui vaut autant pour les compagnies traditionnelles que pour les compagnies low-cost.
Mais le danger le plus immédiat concerne les low-cost long-courrier. Si les compagnies asiatiques comme Scoot, Jetstar ou AirAsia X ont prouvé avec plus ou moins de brio qu’elles pouvaient survivre avec un baril à 100 dollars, les compagnies européennes se lancent tout juste et doivent encore faire leurs preuves. On ne s’inquiète pas trop pour LEVEL qui profitera du soutien d’IAG, mais Norwegian semble plus exposée. Bien qu’elle ait lancé ses opérations long-courrier en 2013, donc en pleine crise du pétrole cher, et maintenu la barre, la compagnie norvégienne est aujourd’hui en difficulté et une remontée du pétrole pourrait lui coûter cher – sa faiblesse actuelle suscite déjà des envies d’OPA chez ses concurrentes. Si l’augmentation continue, le salut du modèle viendra peut-être des nouveaux avions, 737 MAX et A321neo/A321LR, capables de traverser l’Atlantique ou de réaliser des vols longs à moindres frais.
