Lufthansa cherche à redresser son activité vers l’Asie Pacifique, mise à mal par la concurrence des compagnies du Golfe. Pour cela, la compagnie allemande envisage plusieurs solutions, dont la création d’une compagnie low-cost sur le modèle de Germanwings mais intercontinentale. C’est ce qu’a expliqué sa directrice financière Simone Menne lors d’une conférence à New York le 26 mars.
Elle a révélé que plusieurs solutions étaient envisagées comme des partenariats, des joint-ventures, une plateforme propre ou le retrait des marchés les moins rentables – ce qu’elle a déjà fait en Inde, à Hyderabad et Calcutta.
Lufthansa est actuellement le groupe européen qui possède la plus importante part de marché sur les liaisons vers l’Asie. Cependant, le centre d’analyses CAPA souligne qu’il ne parvient pas à tirer profit du dynamisme du marché, qui doit enregistrer une croissance annuelle de 6,7% jusqu’en 2016 (prévisions IATA). Son trafic global a en effet augmenté de 6% entre 2010 et 2012 mais est resté stable vers l’Asie Pacifique ; et ses recettes de trafic ont enregistré une hausse de 14% sur la période mais de seulement 2% sur les liaisons asiatiques.
Lufthansa envisage donc de s’inspirer d’un modèle en vogue en Asie: les low-cost long-courrier.
L’essor des low-cost long-courrier
Le concept de low-cost long-courrier ne date pas d’hier. Le premier exemple de ce type d’opérations a été donné par la compagnie britannique Laker Airways lorsqu’elle a lancé son produit SkyTrain en 1977 : elle permettait ainsi à ses passagers d’acheter en aéroport des billets peu chers pour des vols transatlantiques mais qui ne comprenaient pas de services annexes, notamment pas de repas à bord. La compagnie a disparu en février 1982, terrassée par le deuxième choc pétrolier, la récession et la riposte de ses concurrentes.
Actuellement, les low-cost long-courrier officient exclusivement en Asie et ont été créées sous l’impulsion d’AirAsia X, née en 2007. Celle-ci dessert aujourd’hui une quinzaine de destinations et Asie et en Australie à l’aide d’une flotte composée de neuf A330-300 et deux A340-300 et a planifié son introduction en bourse cette année.
Jetstar et, plus encore, Scoot suivent le même modèle. Mais à chaque fois, les compagnies bénéficient du soutien d’un groupe – respectivement AirAsia, Qantas et Singapore Airlines. Le CEO d’AirAsia X, Azran Osman-Rani, a d’ailleurs reconnu que sa maison-mère était un atout essentiel de sa réussite. Interrogé par le magazine britannique Flight International en 2012, il avait expliqué qu’il était très difficile de réussir « en tant que compagnie indépendante avec une marque entièrement neuve et sans réseau [moyen-courrier] pour nourrir les vols. Si nous devions uniquement dépendre du trafic point à point, il n’y aurait aucun moyen d’atteindre 80% de taux de remplissage. »
En témoigne la chute d’Oasis Hong-Kong Airlines en 2008, après un an et demi de service. La low-cost desservait Londres et Vancouver en 747-400 mais avait été placée en liquidation après avoir cumulé des pertes de 128 millions de dollars. Zoom Airlines, une consœur canadienne, a déposé le bilan quelques mois plus tard. Elle desservait l’Europe en vols réguliers (et réalisait également des services charters) à l’aide d’une flotte de deux 757-200 et trois 767-300ER.
La difficulté du marché européen
Si Lufthansa se lance dans le low-cost long-courrier, elle va devoir conjurer le sort : aucune compagnie de ce type n’a jamais vraiment réussi vers l’Europe, zone à la croissance économique moribonde depuis plusieurs années. On le voit avec Oasis et Zoom, mais AirAsia X n’a pas eu davantage de succès. Elle a en effet suspendu ses deux liaisons européennes, vers Londres (Gatwick) et Paris (Orly), en mars 2012 : elle n’est pas parvenue à les rentabiliser à cause de la concurrence des compagnies du Golfe et du coût opérationnel trop élevé des A340-300 qui officiaient sur ces destinations.
Pourtant, le marché low-cost long-courrier semble toujours susciter de l’intérêt en Europe. FlyA avait annoncé en 2012 qu’elle prévoyait de lancer ses opérations cet été au départ de Paris et Londres vers l’Amérique du Nord avec trois A330. Mais le projet de Norwegian est bien plus concret : elle s’apprête à inaugurer ses opérations long-courrier le 30 mai au départ d’Oslo et de Stockholm, à destination de Bangkok et New York. Elle comptait réduire au maximum ses coûts opérationnels en recourant à une flotte de huit 787 mais devra lancer cette nouvelle activité avec des A340, les livraisons de Dreamliner étant actuellement suspendues.
Lufthansa pourrait suivre la même voie : la compagnie étudie la possibilité de commander des long-courriers nouvelle génération dès cet automne et évalue donc le 787 et l’A350, notamment pour remplacer certains de ses plus anciens A340. Mais ils pourraient également l’aider à réaliser son nouveau projet…