Le nouvel aéroport de Bangkok n’a pas quatre mois que ses premières rides sont apparues. Et ce fléau de la coquetterie ne se contente pas de malmener l’image de Suvarnabhumi : il pourrait aller jusqu’à remettre son existence en question. Après la détection d’une centaine de fissures sur les pistes et taxiways, le ministre des Transports thaï, Theera Haocharoen, a décidé le 23 janvier de la fermeture des zones concernées de l’aéroport jusqu’à réparation. Une nouvelle inspection va être menée par des experts indépendants pour évaluer l’ampleur des dégâts et les mesures à prendre.
Les fissures ont commencé à apparaître juste après l’ouverture de l’aéroport le 28 septembre. Sur la centaine recensée, un quart semble préoccupant. Les compagnies aériennes présentes à l’aéroport ont déjà été informées que sept passerelles d’embarquement allaient devoir être fermées pour permettre la réalisation des travaux sur les aires de parking.
Construction de mauvaise qualité ou excès d’eau dans le sol
Selon la première étude effectuée par l’Institut d’Ingénierie de Thaïlande, deux causes, qui ne s’excluent pas l’une l’autre, peuvent être avancées quant à l’origine de ces problèmes. La première est la qualité de la construction. Celle-ci avait sans cesse été retardée en raison de crises financières, politiques et entachée de scandales de corruption. A l’approche de la dernière date butoir fixée par le gouvernement pour l’ouverture de Suvarnabhumi, le Premier ministre d’alors, Thaksin Shinawatra, avait refusé un nouveau report malgré les sérieux doutes exprimés par les industriels et les compagnies sur la viabilité de l’aéroport.
La seconde explication possible est géologique. Il pourrait y avoir eu trop d’eau dans le sol. En effet, des inondations ont eu lieu dans la région de Bangkok cet automne. Or Suvarnabhumi a été érigé sur un sol marécageux. L’eau aurait pu affaiblir les installations en se retirant et les fissures qu’elle y aurait creusées auraient été aggravées par le poids des appareils commerciaux circulant sur le tarmac.
Un avenir incertain
Les responsables d’Airports of Thailand affirment que les craquelures ne mettent ni les passagers ni les appareils en danger. Mais si la seconde étude en arrivait à la conclusion qu’elles sont sérieuses, ils pourraient considérer la réouverture de l’ancien aéroport de Bangkok, Don Muang, fermé lors de la mise en service de Suvarnabhumi. Si leurs têtes ne valsent pas d’ici là car un remaniement de l’équipe managériale de la société gérant les aéroports thaïlandais semble imminent.
L’autre épée de Damoclès suspendue au-dessus de la plus haute tour de contrôle du monde est l’absence de certification. Celle que détient Suvarnabhumi n’est que temporaire et émane des autorités thaïlandaises. Au vu de la situation, la licence définitive n’est pas pour tout de suite. Mais un renouvellement de la version temporaire n’est pas acquise non plus. Bien qu’elle ne soit pas indispensable à l’exercice des activités de l’aéroport, la licence thaïlandaise l’est pour l’obtention de celle délivrée par l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale). Son absence achèverait de ternir l’image de celui qui revendique également le plus grand terminal du monde.
Don Muang s’impose ainsi de plus en plus comme la solution à tous les problèmes de Suvarnabhumi. Il devrait en effet rouvrir ses halls au trafic commercial domestique vers le mois de mars. Seules les compagnies volontaires déménageront. Elles sont trois aujourd’hui : Thai Airways, One-Two Go et Nok Air. La raison ? Le nouvel aéroport de Bangkok est déjà saturé : queues à l’enregistrement, à la récupération des bagages et retards de vols sont monnaie courante en raison de la mauvaise gestion du trafic et de la congestion qui s’ensuit. Le problème est que cette solution n’est intéressante que dans la mesure où les compagnies renoncent à la possibilité de connexions aisées avec les vols internationaux. Or très peu sont prêtes à perdre cet atout commercial. Mais si Suvarnabhumi venait à fermer complètement le temps de remettre ses pistes en état, elles n’auraient d’autre choix que de rétablir Don Muang dans son rôle de porte internationale vers Bangkok.