Air France KLM ne voit plus son avenir aussi rose. Le groupe franco-néerlandais a publié ses résultats pour l’année fiscale 2007-2008 le 22 mai. Les objectifs financiers ont été atteints, le chiffre d’affaires et le résultat d’exploitation ont de nouveau battu des records mais le bénéfice net est en baisse, préfigurant les difficultés à venir dans un secteur fortement touché par la hausse du prix du carburant et la crise financière mondiale.
Air France KLM a enregistré plus de 24 milliards d’euros de recettes sur l’année, une hausse de 4,5%. La croissance du résultat d’exploitation a été encore plus forte, de 13,3%, celui-ci atteignant 1,4 milliard d’euros. En revanche, le bénéfice net du groupe a beau être très positif à 748 millions d’euros, il a accusé une baisse de 16%. Celle-ci est en partie due à une provision de 530 millions d’euros liée à l’enquête en cours sur les activités cargo (une bonne vingtaine de compagnies mondiales sont en effet soupçonnées de s’être entendues sur les tarifs).
Mais cette provision n’est pas la seule en cause. En effet, le directeur général Pierre-Henri Gourgeon a expliqué que les activités passage avaient connu un très bon premier semestre, suivi d’un ralentissement au second semestre. Touché par la crise des subprimes, le ralentissement de l’économie américaine, la forte hausse du pétrole et l’augmentation du prix du billet, Air France KLM a vu baisser ses ventes en classe économique, particulièrement sur les vols à destination de l’Amérique du Nord, heureusement compensées par le maintien du volume en classe avant (Première et Affaires) et le dynamisme des ventes vers l’Asie et le Moyen-Orient. Le groupe a tout de même enregistré une hausse de 3,9% de son trafic, transporté 74,18 millions de passagers sur l’année et enregistré un résultat d’exploitation de 1,3 milliard d’euros.
Le bilan des activités cargo, en crise depuis plusieurs années, est bien plus mitigé. Là, la tendance est inversée. Le premier semestre a été très décevant, avec un trafic en baisse de 1,2% et un résultat d’exploitation négatif de 29 millions d’euros. En revanche, le bilan s’est bien redressé au second semestre, suffisamment pour que le résultat d’exploitation annuel soit positif (39 millions d’euros) mais pas assez pour qu’il croisse par rapport à l’année précédente (-37,1%). Ce bilan a également été impacté par la restructuration de la flotte – les Boeing 747-200F ont été remplacés par des B747-400BCF (photo ci-dessous) – et le déséquilibre des monnaies.
Prudence pour les années à venir
Si le quatrième trimestre est traditionnellement difficile pour les compagnies aériennes, il l’a particulièrement été cette année. Air France KLM a enregistré un résultat d’exploitation négatif de 46 millions d’euros et une perte nette de 542 millions d’euros. L’exercice 2008-2009 s’annonce donc particulièrement difficile.
Le Président du groupe, Jean-Cyril Spinetta, a décrit les grands enjeux du moment. L’appréciation de l’euro a un impact négatif sur les recettes qui est largement compensé par l’effet positif sur les coûts (achat de carburant et d’appareils). Cependant, cette appréciation se fait par rapport à toutes les monnaies, ce qui risque à terme de limiter de plus en plus le bénéfice. La croissance mondiale est également en train de ralentir et devrait s’élever à 3,5% en 2008, avec une baisse aux Etats-Unis mais une bonne tenue ailleurs. Avec une telle croissance, le trafic long-courrier est censé augmenter de 6%. Mais l’augmentation des tarifs risque de peser sur le volume des ventes.
La flambée du pétrole est en effet la difficulté majeure à laquelle sont confrontées les compagnies aériennes. Air France KLM a commencé son exercice avec un baril à 55 dollars et l’a clôturé avec un baril à plus de 100 dollars : le coût moyen a été de 82 dollars sur l’année. La facture carburant du groupe a ainsi augmenté de 7,4%. Or c’est peu. Le groupe a en effet eu la prévoyance de couvrir 78% de sa consommation, ce qui lui a permis d’économiser environ 800 millions d’euros. En 2008-2009, la couverture sera toujours très bonne et la compagnie paiera 90 dollars pour un baril à 120 dollars, à peine plus en 2009-2010. Mais toutes ses consoeurs n’ont pas cet atout.
Le secteur du transport aérien doit et va donc être réorganisé. Plusieurs compagnies ont déjà considérablement réduit leurs capacités, comme Varig, SAS et toutes les grandes compagnies aériennes américaines, tandis que British Airways envisage de faire de même au prochain programme hiver. D’autres, trop touchées par les difficultés actuelles, ont disparu : c’est le cas d’Aloha Airlines, ATA, Skybus, ou des compagnies Premium américaines MAXjet et Eos. Frontier est quant à elle sous la protection du chapitre 11. On assiste donc à des regroupements, comme ceux entre Vueling et Clickair ou, plus important, entre Delta et Northwest.
Air France prévoit donc que cette crise va conduire à un renforcement des acteurs forts. La question est de savoir « qui va tirer son épingle du jeu ». Et Jean-Cyril Spinetta a confiance en Air France KLM. Le groupe a en effet de grands atouts : un bilan robuste, une flotte en pleine modernisation – la flotte a moins de 10 ans aujourd’hui et ce sera toujours le cas en 2012 grâce au remplacement des derniers B747-400 par des B777-300ER –, un réseau et des hubs puissants et d’importantes synergies encore à venir grâce à la fusion.
Il va également avoir de fortes opportunités de développement dans les années à venir grâce à l’accord Open Sky et surtout au joint-venture en construction avec Delta et Northwest sur l’Atlantique Nord. Celui-ci devrait être lancé avant la fin de l’année 2009 et permettra aux quatre compagnies d’avoir une part de marché de 25% sur les flux entre l’Europe et les Etats-Unis. L’immunité antitrust, qui a récemment reçu l’approbation préliminaire du Department of Transportation américain, va également profiter au groupe.
A plus court terme, Air France KLM estime que sa recette unitaire devrait se tenir en 2008-2009. Les réservations en classe « avant » devraient en effet augmenter de façon équivalente à l’offre sur cette catégorie de places, hormis sur l’Amérique du Nord. En revanche, le coefficient de remplissage des classes « arrière » devrait fléchir. Le groupe prévoit que le résultat d’exploitation atteindra le milliard d’euros (avec un baril de pétrole à 120 dollars). L’objectif est légèrement plus bas que celui présenté aujourd’hui. Mais il prouve une chose : Air France KLM ne doute pas de compter parmi les acteurs forts.