L’Union européenne sait faire de belles choses. Et malgré toute la lourdeur qui lui est reprochée depuis des décennies, elle a montré qu’elle savait aller vite et prendre des décisions fortes lorsqu’elle est en crise, par exemple durant la pandémie de covid-19 ou l’invasion de l’Ukraine. Mais elle est aussi prompte à retomber dans ses travers.
A l’heure où le réchauffement climatique et les problématiques énergétiques sont à leur sommet, elle est toute absorbée depuis deux ans à établir une politique de décarbonation du continent. Le pacte vert et ses nombreux volets, dont le fameux « Fit for 55 », donne la marche à suivre et les objectifs (réduire les émissions de CO2 de l’UE d’au moins 55% en 2030 par rapport à 1990 puis atteindre la neutralité carbone en 2050), il définit également les soutiens pour une transition juste.
Mais les moyens mis en oeuvre pour y parvenir créent de la confusion. C’est ce que juge Guillaume Faury, qui s’exprimait récemment en tant que président du GIFAS auprès des membres de l’AJPAE (Association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace) et regrettait « les taxes, les barrières, les empêchements », les menaces d’amende et une régulation rigide qui vont de pair avec des investissements très importants sur les technologies. « Il y a des contradictions à gérer. » Donc de l’incertitude. Donc du risque pour les investisseurs à s’engager dans la décarbonation et plus encore dans l’aviation.
Au contraire, ces mêmes investisseurs entendent un chant beaucoup plus mélodieux venu d’outre-Atlantique. Avec l’IRA (Inflation Reduction Act) adopté à la fin de l’été et qui vient compléter deux autres lois visant à améliorer la compétitivité économique, l’innovation et la productivité industrielle des États-Unis, l’administration de Joe Biden prévoit encore près de 400 milliards de dollars de nouvelles dépenses et d’allégements fiscaux visant à stimuler le développement des énergies propres, dont les SAF. En quelques mois, le plan a déjà eu des effets sur la relocalisation de certaines activités dans ce secteur stratégique.
« L’IRA est une très bonne nouvelle pour l’accélération des investissements pour une énergie décarbonée, pour l’aviation en particulier. Il donne une trajectoire claire et un niveau de certitude important aux investisseurs sur la pertinence de leurs investissements et le retour sur investissement. En revanche, c’est aussi un package qui déstabilise le ‘level-playing field’ », s’inquiète Guillaume Faury.
Une inquiétude partagée également par le président de la République française, Emmanuel Macron. Intervenant à l’issue du Conseil européen du 15 décembre, il a appelé l’Europe à aller « beaucoup plus vite et beaucoup plus fort » pour soutenir les investissements en faveur de la décarbonation en Europe, quitte à mettre en oeuvre un plan similaire à l’IRA. « Nous devons avoir une réponse pour maintenir une concurrence équitable et défendre des grands projets, en particulier sur les technologies vertes et les technologies d’avenir en Europe », a-t-il déclaré, en suggérant une simplification des règles et une réponse qui devrait être apportée au début de l’année 2023.
Cela fait des années que l’IATA appelle l’Europe et les gouvernements européens à être moins punitifs et plus incitatifs, pas uniquement dans le domaine environnemental d’ailleurs. Les Etats-Unis ont sorti l’artillerie lourde pour avancer dans leur transition énergétique tout en stimulant leur industrie, alors que l’urgence de la décarbonisation n’a jamais été aussi grande. Elle est là cette nouvelle crise qui peut faire accélérer l’Europe.