Décidément, Akbar Al Baker n’aura pas attendu très longtemps pour attaquer Airbus en justice sur le long contentieux qui concerne la dégradation des revêtements de certaines surfaces de ses gros-porteurs long-courriers A350. Le PDG de Qatar Airways va donc se tourner vers la justice britannique pour un règlement rapide du litige, alors que ses relations commerciales avec l’avionneur européen sont, selon lui, « détruites » et « difficilement réparables ».
Il faut dire que quelques jours seulement après le gros coup médiatique de l’agence Reuters qui diffusait des images alarmistes montrant des mailles métalliques liées au dispositif de protection contre la foudre rendues nues, Airbus s’était cette fois montré beaucoup plus vigoureux sur le sujet en annonçant publiquement vouloir faire appel à une procédure juridique indépendante pour régler un problème qui pourrait commencer à ternir l’image de ses avions, voire même « représenter une menace pour les protocoles internationaux sur les questions de sécurité ».
Le problème de la dégradation du revêtement et des peintures de certaines parties des A350 de Qatar Airways n’est évidemment pas nouveau, avec un premier appareil (MSN 36) affecté dès novembre 2020. L’appareil devait initialement être remis en peinture avec une livrée commérant la prochaine Coupe du monde de football qui se tiendra à Doha, un processus qui avait alors permis de détecter ces problèmes de vieillissement prématurés, mais qui dès le départ ont été qualifiés par l’avionneur de « cosmétiques ». Cet exemplaire a d’ailleurs ensuite rejoint les installations de l’avionneur à Toulouse pour trouver une solution au problème, avec une évaluation sur la situation de la part de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), mais évidemment sans satisfaire la compagnie aérienne du Qatar.
Depuis lors, le confit entre Qatar Airways et Airbus s’envenime, avec 13, puis 19, puis 21 A350 de la compagnie de Doha cloués au sol sur ses 53 exemplaires livrés. La compagnie aérienne n’accepte plus de livraisons d’A350 jusqu’à nouvel ordre (23 exemplaires attendus) et vient de rater l’occasion de devenir la compagnie de lancement de l’A350F, la nouvelle version cargo de cette famille de gros-porteurs de nouvelle génération.
On peut évidemment comprendre que Qatar Airways cherche a avoir des compensations financières qui sont liées à l’immobilisation des appareils dans le cadre des réparations. Les dégradations prématurées des appareils peuvent résulter en des travaux plus importants sur les avions, plus récurrents, synonymes de nouveaux coûts, de pertes de recettes et de perturbations opérationnelles. Il est aussi logique de penser que Qatar Airways peut vouloir profiter de la situation mondiale actuelle du transport aérien liée à la pandémie, avec l’importante baisse des besoins en capacité entre l’Europe et l’Asie notamment, pour accentuer la gravité du problème et accélérer sa résolution. Les avions immobilisés sont bien visibles à Doha, mais la diminution des fréquences des vols liée à la crise est aussi une façon de le justifier. Ils manqueront d’ailleurs cruellement à Qatar Airways lors de la reprise.
Quant à venir salir la réputation de l’avionneur européen, c’est oublier un peu vite que son concurrent américain n’est pas aujourd’hui en bien meilleure posture pour lui apporter des solutions, avec des livraisons de 787 toujours interrompues par la FAA et un programme 777X qui accumule les années de retard. Jusqu’ici, les bonnes relations entre Qatar Airways et Airbus ont forcement positivement contribuer au processus d’ouverture du ciel européen pour la compagnie de Doha dans le cadre de l’accord de libre-échange UE-Qatar, un accord évidemment déséquilibré pour les transporteurs du Vieux Continent et dont les effets seront proportionnellement apparents avec la reprise du trafic ces prochaines années.
Finalement, le procès qui s’ouvre entre Qatar Airways et Airbus est presque un jeu perdant-perdant. Sauf peut-être pour les juteux contrats des cabinets d’avocats de la City.