Dans un contexte « extrêmement contraint » et « tendu », l’actualisation et la révision de la Loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2014-2019 a été « particulièrement difficile », voire même « sans précédent depuis la dernière guerre mondiale », dit-on dans l’entourage du ministre.
Découlant de la publication du Livre Blanc (avril 2013), la LPM, présentée ce jour en conseil des ministres, détermine les moyens (financiers et matériels) mis à disposition pour mener une politique de Défense cohérente avec les ambitions stratégiques de la France. Une « clause de rendez-vous » est elle prévue pour la fin de l’année 2015, afin de pouvoir évaluer à mi-parcours la faisabilité et l’évolution de la trajectoire donnée par la Loi de programmation militaire.
La LPM pour l’exercice 2014-2019 s’articule autour de cinq grands axes : La sanctuarisation du budget de Défense, à la hauteur des besoins de la France, préservant les investissements industriels, tourné vers l’avenir, avec une attention portée aux personnels de la Défense.
La sanctuarisation du budget de Défense
Le premier point concerne la promesse faite par le président de la République François Hollande, de sanctuariser le budget de la Défense et d’offrir les ressources nécessaires, en dépit de la situation économique tendue. Ainsi, la LPM devrait entériner un budget de 31,4 milliards d’euros jusqu’en 2016. « On reconnaît qu’il y aura une érosion de son pouvoir d’achat, mais c’est un des seuls ministères dont le budget ne va pas baisser en valeur dans les années qui viennent », dit-on au ministère, pour contrer aux remarques sur la baisse du budget militaire pour les prochaines années. La « reconduction en volume », l’augmentation en valeur pour 2017 à 31,56 milliards, puis une légère augmentation de 1% en volume en euros constants pour 2018-2019, soit respectivement 31,78 et 32,52 milliards. En euros courants, le total atteint près de 190 milliards d’euros sur la période. La part des ressources extrabudgétaires, dites « exceptionnelles » de cette dotation totale, se monteront à 6,13 milliards d’euros courants (5,9 milliards en euros constants annoncés dans le LBDSN).
« C’est un effort considérable », qui maintient, selon le ministère, la part du budget de la Défense dans le budget de l’Etat à hauteur de 11,3%, avec une augmentation à 12% en « fin de période ». La part de la Défense dans le PIB tourne elle autour d’1,8%.
Une LPM « à la hauteur des besoins, des responsabilités et du rang de la France »
Dans l’entourage du ministère, on soutient que le Livre blanc et la Loi de programmation militaire qui en découle répond aux besoins de la France : « On est prêt à discuter avec n’importe quel expert pour vérifier si on est en-dessous dans les objectifs que nous nous fixons des besoins de sécurité réels des dix ou douze ans à venir. » De même, le projet de loi est « à la hauteur des responsabilités internationales de la France », et correspond au rang de la France, capable de « dialoguer à un bon niveau » avec des puissances militaires telles que les USA et la Grande-Bretagne. « Je ne connais pas beaucoup de pays dans le monde qui peuvent à la fois assurer la protection du territoire et de sa population […], qui sont capables en même temps de faire face aux besoins de la stratégie de dissuasion nucléaire, avec deux composantes complémentaires […], qui sont capables d’assurer l’intervention en permanence des forces armées à l’extérieur pour la défense des intérêts nationaux soit en gestion de crise soit en situation de guerre, et qui enfin sont capables de faire tout cela en s’appuyant sur une base industrielle, parmi les premières dans le monde. […] C’est assez difficile de parler de déclassement stratégique. »
Un investissement de Défense au service de l’industrie et de la stratégie
Les investissements financiers dans le domaine de la Défense devraient permettre de pérenniser neuf secteurs industriels majeurs, sans en « sacrifier » aucun et de financer une politique d’acquisition « adaptée à la stratégie militaire ». Sont concernés par les investissements les secteurs clés suivants : aéronautique et drones de combat, missiles, transport aérien, hélicoptères, sous-marins, bâtiments de surface, armement terrestre, renseignement et surveillance, communication et réseaux. « Aucun de ces secteurs n’est appelé à connaître un sinistre industriel » assure-t-on au ministère, qui parle de 17,1 milliards d’euros constants en moyenne annuelle pour les dépenses d’équipement. Une manière d’assurer l’autonomie stratégique du pays, « de l’ordre de 80% », un élément fondamental pour se décharger d’une certaine dépendance de puissances étrangères.
Les anticipations de livraison (voir article dédié) sont « en-dessous » des prévisions faites en 2009, « totalement hors d’atteinte ». Un fait connu depuis l’été 2010, mais non pris en main par le gouvernement précédent. Une attaque en règle contre les objectifs irréalisables du précédent ministère. A cet égard, les contrats signés en 2009 font actuellement l’objet de renégociations pour mieux coller à la réalité.
Une priorité accordée à la préparation de l’activité opérationnelle et une attention portée aux personnels de la Défense
C’est une « préoccupation répétée de Jean-Yves Le Drian », la préparation de l’activité opérationnelle. Il s’agit de maintenir le niveau de préparation opérationnelle (jours à la mer, heures de vol), actuellement en baisse et plus particulièrement depuis 2010. Deux objectifs principaux sont contenus dans le projet de LPM pour contrer une baisse accentuée : le maintien du niveau d’activité opérationnelle au niveau de 2013, puis opérer une remontée à partir de 2016. « C’est un casse-tête », qui devrait en partie être résolu par un financement accru – 2,9 milliards d’euros d’entretien programmé des matériels en 2013, 3,4 milliards en moyenne sur les six années suivantes. Le point de rendez-vous de la fin 2015 permettra de faire le point sur la réorganisation du soutien à l’activité opérationnelle pour réajuster l’effort financier.
Le second point concerne la « judiciarisation », une thématique que le ministère s’est décidé à prendre à bras le corps. Il s’agit de l’adaptation du droit pénal à la réalité des situations sur le terrain. Des dispositions de procédure et de fond seront mises en œuvre dans ce but.
Concernant les effectifs et la déflation des personnels – 34 000 suppressions prévues par le LBDSN, dont 10 500 héritées de la LPM précédente – le ministère souhaite « faciliter le volontariat » prévu pour les départs. Les unités et les sites qui seront fermés dans les prochaines années ne sont pas encore connus, une première vague de restructurations sera annoncée fin septembre 2013, qui concernera uniquement l’année 2014.
Une programmation « tournée vers l’avenir »
Le projet de LPM comprendra un investissement dans la R&T de 730 millions d’euros en moyenne annuelle. Les investissements de recherche en amont seront tournés en priorité vers les domaines suivants : futurs aéronefs de combat (pilotés ou non), dissuasion, missiles, lutte anti-sous-marine, renseignement et cyberdéfense.
Concernant le renseignement, « clé de l’autonomie stratégique », l’effort sera fait en particulier sur le renseignement d’origine spatiale (satellites Musis et Ceres), le renseignement d’origine électromagnétique. Pour la cyberdéfense, l’accent sera mis sur l’investissement technique et humain, avec des recrutements prévus pour faire face aux nouvelles menaces. Mais « l’immense priorité » est accordée au ciblage, qui a notamment été d’une grande aide lors de l’Opération Serval au Mali, puisque le ciblage préalable a permis d’agir vite et d’obtenir 30 dossiers de cibles en quelques heures. « C’est comme ça que nous devons procéder si nous voulons agir vite et bien ».

