Alphajet, Transall, Tigre, Airbus, Eurocopter autant de noms qui évoquent une certaine idée de la coopération franco-allemande dans le domaine de l’aéronautique. Une coopération franco-allemande qui fête aujourd’hui ses 50 ans. Et même si l’entente franco-allemande connaît un petit coup de froid, les projets cités sont bien une preuve de la réussite de cette coopération.
A l’origine de cette coopération, la signature, le 22 janvier 1963, du traité de l’Élysée par le président Charles De Gaulle et le chancelier allemand Konrad Adenauer. Le texte vise à renforcer la coopération franco-allemande dans les domaines de la Défense, de l’éducation et de la jeunesse.
Deux avions franco-allemands : L’Alphajet et le C-160 Transall
Concernant la Défense plus particulièrement, les objectifs énumérés dans le texte fondateur s’articulent autour de trois volets :
– Un volet stratégique et tactique, qui vise à rapprocher les doctrines « en vue d’aboutir à des conceptions communes ».
– Un volet d’échanges entre les personnels, élèves et professeurs des différentes écoles militaires.
– Un volet de coopération en matière de projets d’armement, qui vise à « organiser un travail en commun dès le stade de l’élaboration des projets d’armement appropriés et de la préparation des plans de financement ».
La planification d’un avion de transport à moyen rayon d’action développé conjointement entre la France et l’Allemagne a débuté en 1957, avant même la signature du traité de l’Elysée. Le groupe de travail franco-allemand fut fondé en janvier 1959 et nommé « Transporter Allianz », avant d’être raccourci en « Transall ». Il comprenait les industriels Nord-Aviation (qui a fusionné pour devenir Aerospatiale en 1969) pour la France et Hamburger Flugzeugbau (fusion MBB en 1969) pour l’Allemagne.
Le C-160 a effectué son vol inaugural en 1963, sur le site de Melun-Villaroche, en France. Assemblés à la fois en France (Bourges) et en Allemagne (Hamburg-Finkenwerder et Lemwerder), ce sont quelques 169 exemplaires qui ont été produits entre 1967 et 1972, dont 29 à destination de la Turquie et de l’Afrique du Sud.
En 1981, la France décidait de construire un Transall « Nouvelle Génération », destiné à équiper l’armée de l’air, mais également l’Indonésie, l’Allemagne s’étant cantonnée à ses 90 exemplaires initiaux. La production fut arrêtée en 1989.
Le biréacteur biplace d’entraînement et d’appui tactique Alphajet, qui a volé pour la première fois le 26 octobre 1973 à Istres. Conçu selon un programme commun par les armées de l’air française et allemande, l’Alphajet est le fruit d’une coopération entre Dassault-Bréguet et Dornier. Deux versions sont développées pour répondre aux besoins de la France et de l’Allemagne, une version « E » d’entraînement pour l’armée de l’air et une version « A » d’appui tactique rapproché pour la Luftwaffe. Les deux pays en commandent chacun 175 exemplaires, livrés dans les années 80.
Alors qu’aujourd’hui la France est toujours utilisatrice de ses Alphajet, tant pour l’apprentissage des pilotes – en partenariat avec la Belgique – qu’au sein de la Patrouille de France. L’Allemagne a elle retiré le dernier Alphajet du service actif en 1998. Une bien courte carrière pour cet avion de fabrication franco-allemande.
L’Alphajet de Dassault-Bréguet et Dornier a également connu une vie en dehors de l’Hexagone et au-delà du Rhin, il a notamment été exporté en Belgique, en Egypte, au Maroc, au Togo, au Qatar, au Cameroun, au Nigeria et au Gabon. Il a volé plus d’un million d’heures et a été produit à 512 exemplaires.
Le Tigre, hélicoptère franco-allemand
L’hélicoptère de combat biturbines Tigre (photo), développé conjointement par la France et l’Allemagne, commence son histoire en 1976, lors de la signature d’une lettre d’intention franco-allemande pour le développement d’un hélicoptère de combat commun pour les armées de terre respectives. L’accord de coopération est signé en 1984 et l’hélicoptère est développé par Eurocopter – entreprise d’ailleurs issue de la fusion entre la division hélicoptères d’Aérospatiale (France) et MBB (Allemagne).
Le vol du premier prototype a lieu en 1991, la production en série débute en 2002, les premières livraisons à la France et à l’Allemagne en 2005. En 2003, l’Espagne se joint au programme et commande des Tigre HAD.
Le Tigre est décliné en plusieurs versions : HAP (appui-protection) pour l’ALAT, UHT (soutien) pour la division aéromobile de l’armée de terre allemande, HAD (appui-destruction) pour la France et l’Espagne, ARH (reconnaissance armée) pour l’Australie.
Le programme est géré depuis 1998 par la division de programme Tigre de l’OCCAR, les sous-ensembles nationaux spécifique respectivement par la DGA et le Bundesamt für Wehrtechnik und Beschaffung.
Des écoles de formation communes
L’Ecole franco-allemande (EFA) est située au Cannet Des Maures, co-localisée avec l’Ecole d’application de l’ALAT. La décision d’ouvrir une école à vocation bi-nationale pour la formation sur hélicoptère Tigre est actée en 1991, l’école ouvre officiellement en 2003. Les premiers Tigre arrivent en 2005 et le premier stage pilote a lieu une année plus tard. En plus d’être franco-allemande, l’EFA accueille également des stagiaires pilotes australiens et espagnols.
A noter également, les écoles de formation du Luc et de Fassberg, qui assurent l’apprentissage des pilotes et mécaniciens français des deux pays.
La coopération franco-allemande dans l’industrie : L’exemple d’Airbus
En septembre 1967, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne signent un protocole d’accord pour le développement d’un avion de ligne de 300 places qui se nommerait European Airbus. Son directeur technique est l’ingénieur français Roger Béteille. Dix-huit mois plus tard, la Grande-Bretagne se retire du projet, laissant la France et l’Allemagne lancer officiellement le projet A300 en mai 1969, lors du Salon du Bourget. Airbus Industrie GIE est fondé en décembre 1970, par la fusion entre Aerospatiale, ce qui deviendra par la suite Deutsche Aerospace et VFW-Fokker et Hawker Siddeley pour les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. L’entreprise prend un tournant européen, d’autant plus avec l’arrivée de CASA (Espagne) en 1972.
Les tâches se répartissent pourtant entre la France et l’Allemagne, avec la chaîne d’assemblage et les essais en vol pour la France, la fabrication du fuselage et l’aménagement commercial pour l’Allemagne.
Le vol inaugural de l’A300 a lieu le 28 octobre 1972.
Le 18 octobre 2000, le consortium Airbus – devenu quadrinational – devient une société de plein droit, détenue à 80% par le groupe EADS et à 20% par BAE Systems.
Des perspectives futures résolument européennes
La signature en septembre 2012 d’une déclaration commune sur les caractéristiques techniques du futur drone MALE semble être une nouvelle étape dans la coopération franco-allemande. Pourtant, celle-ci ne se cantonne plus uniquement aux deux pays, mais vise plutôt à s’intégrer dans un cadre européen plus large (à l’instar d’EADS par exemple). La coopération franco-allemande, si elle a été fructueuse par le passé, doit s’inscrire aujourd’hui dans une perspective plus internationale que bilatérale.
Cependant, les dissensions qui se sont fait entendre lors des négociations de fusion entre EADS et BAE Systems en septembre-octobre 2012 montrent bien que le couple franco-allemand bat quelque peu de l’aile et qu’il va devoir se ré-inventer, à la fois pour reprendre une place de « moteur » au sein de l’Europe – la Grande-Bretagne étant devenue un partenaire de choix pour la France, notamment avec le traité de Lancaster House en 2010 – mais également dans une stratégie plus globale.