Ce qui n’était encore qu’une menace pour les compagnies françaises est devenue aujourd’hui réalité : Level se lance à Paris. Et le projet fait mieux que tenir la route. La filiale low-cost long-courrier d’IAG s’installe sur le plus efficace des aéroports parisiens : Orly. Elle va s’appuyer sur une structure rôdée : OpenSkies. Et ses premières destinations sonnent comme une évidence lorsqu’on regarde rapidement les chiffres de trafic long-courrier : Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, New York et Montréal. Bref, Level débarque en France et ne fait pas dans le détail, s’attaquant de front et d’un seul coup à toutes les compagnies françaises opérant sur ce segment.
Mais pas uniquement. Ce lancement coupe également l’herbe sous le pied de sa principale concurrente, Norwegian. Déjà positionnée sur le Paris – New York, elle aussi souhaite desservir la Guadeloupe et la Martinique en direct depuis Paris (CDG) mais doit se résoudre à attendre, faute d’avoir la flotte qui lui permet de mettre son projet à exécution. IAG, défiée à Londres et Barcelone par la low-cost norvégienne, a riposté cet été sur son marché espagnol en créant Level et déplace désormais la confrontation en France. Avant l’Italie et Rome…
Mais Level ne fait que précéder Norwegian sur les Antilles et la bataille est déjà engagée pour les compagnies françaises sur le reste l’Atlantique Nord. Elles ont déjà commencé à organiser la résistance : Air Caraïbes a créé Frenchblue en 2016 puis l’a lancée à l’assaut de nouveaux marchés (La Réunion et bientôt Tahiti), XL Airways et La Compagnie ont uni leurs forces, Corsair chercherait de nouveau un repreneur. Mais, hormis Air France, elles restent relativement petites face à ces groupes puissants, aux carnets de commandes bien remplis et très agiles – on a vu la rapidité avec laquelle Level a été créée et son succès puisqu’elle devrait être rentable dès la première année (en résultat d’exploitation) selon Willie Walsh, le président d’IAG. Cela ne pourrait donc pas suffire à l’heure où leur pré carré des Antilles est directement attaqué.
Willie Walsh, quant à lui, n’a aucun doute sur la réussite de Level en France. Son certificat de transporteur français devrait jouer en sa faveur pour obtenir des créneaux à Orly et son modèle est tout ce qu’il y a de plus clair : une low-cost nouvelle génération, où tous les services peuvent être proposés (bagage, repas, connectivité) mais où le passager ne paie que ce qu’il demande. L’avantage de Level, notamment sur Norwegian selon lui, est qu’elle est dotée d’une base de coûts vraiment low-cost qui la rend très efficace et c’est vraiment là-dessus que tout se joue pour ce type de compagnie.
Il reste donc très dubitatif face à Joon et son modèle hybride. « Je m’interroge sur ce qu’Air France veut faire », a-t-il déclaré le 28 novembre. Même si elle est dotée de coûts inférieurs à ceux d’Air France, Joon ne se revendique pas low-cost en effet mais simplement « décalée » par rapport à l’offre de sa maison-mère. Officiellement appelée à devenir la nouvelle arme d’Air France sur les points faibles de son réseau moyen et long-courrier à partir du 1er décembre, elle n’a encore présenté aucun projet officiel sur cette partie essentielle de son réseau qu’est l’Atlantique Nord, pourtant attaqué de toutes parts. Peut-être la fin de ce pré carré français sur les Antilles, marché à la concurrence déjà exacerbée, sonnera-t-il l’heure de la riposte.
