La compagnie Air France est aujourd’hui soumise à une intense pression corporatiste, et même politique, dans le cadre de la limitation du nombre de vols entre la France et la Chine. Cette petite musique a commencé à prendre chez les professionnels du tourisme au mois de mars, suivis par les grands commerçants parisiens en mal des yuans déversés par les groupes de touristes chinois avant la pandémie.
Même Valérie Pécresse, la présidente du Conseil régional d’Île-de-France, est montée aux créneaux en écrivant une lettre à la Première ministre Élisabeth Borne fin avril pour réclamer un effort de la part de la compagnie aérienne française pour augmenter le nombre de liaisons aériennes entre la Chine et Paris.
Il faut dire aussi qu’avec les 6 rotations hebdomadaires vers l’Empire du Milieu proposées aujourd’hui par Air France (trois vers Pékin et trois vers Shanghai), la demande est largement supérieure aux capacités disponibles, ce qui se traduit par des tarifs assez stratosphériques dans toutes les classes de voyage, concurrence chinoise comprise, ce qui ne facilitera pas un retour des touristes potentiellement concernés cet été. Air France entend bien passer en quotidien sur ces deux lignes à partir de juillet, mais on restera encore bien en deçà de 45 rotations proposées par la compagnie avant la pandémie.
Mais il faut surtout rappeler qu’Air France, tout comme les autres grandes compagnies aériennes européennes d’ailleurs, est victime d’une vrai concurrence déloyale (lire l’édito : Distorsion de concurrence) avec l’interdiction de survol la Russie, qui implique des temps de vol plus longs, synonyme de consommation de carburant plus importante et d’augmentation des coûts, ce que ne subissent évidemment pas les compagnies chinoises comme Air China ou China Eastern. Les compagnies aériennes nord-américaines, également touchées, ont d’ailleurs réagi très vite via l’association Airlines for America (A4A) qui avait lancé une campagne de lobbying à destination du Capitole et de la Maison-Blanche pour s’attaquer au problème dès la mi-mars. En multipliant les vols, l’écart concurrentiel s’accroît et pénalise de fait plus massivement les transporteurs qui ne sont pas touchés par les sanctions russes.
Le groupe Air France-KLM est partiellement détenu par des actionnaires étatiques (28,6% pour la France et 9,3 % par les Pays-Bas). Les actionnaires disposant de la très grande majorité du reste ont plutôt intérêt à privilégier les finances d’Air France plutôt que celles des intérêts assez court-termistes d’entreprises franciliennes qui, pour la plupart n’auraient pas hésité une seconde avant de s’attaquer à une quelconque distorsion de concurrence les concernant.
Étonnement, leurs doléances ont même été particulièrement bien relayées par les chaînes d’information en continu ou par les grands journaux télévisés du soir, ce qui n’a pas été le cas pour la problématique d’Air France, absolument absent des messages un peu simples versés au grand public.
Le combat que mène Air France est tout simplement une mesure de bon sens visant à garantir une concurrence libre, loyale et non faussée. Et face à la Chine, les politiques, le commerce de luxe, et l’opinion devraient plutôt s’en inspirer…