BA 942 « Capitaine Robert » de Lyon-Mont-Verdun, 125 mètres sous terre, des kilomètres de couloirs, une certaine ambiance de guerre froide. C’est au cœur de ce dispositif sécurisé qu’est basé le Centre national des opérations aériennes (CNOA), une grande salle dans laquelle se trouvent de nombreux ordinateurs, des écrans de contrôle qui permettent d’observer tout ce qui se passe dans l’espace aérien français. « D’ici nous conduisons les missions aériennes au-dessus du territoire, au-dessus du Mali, des missions de renseignement en Méditerranée, mais aussi des missions de coordination des moyens aériens de l’Etat en temps de crise, comme lors d’inondations, d’enneigement ou d’opérations de recherche et de sauvetage », explique le général Thierry Caspar-Fille-Lambie, commandant la défense aérienne et les opérations aériennes (COMDAOA).
S’agissant des opérations aériennes effectuées dans le cadre de l’opération Serval au Mali, c’est dans une petite salle non loin du CNOA que s’organise leur planification. L’endroit a des airs de QG de campagne et accueille une bonne vingtaine de militaires, entièrement dédiés à la préparation des missions aériennes au-dessus du ciel malien. Le JFACC (Joint Force Air Component Commander) Serval a pu être monté « de façon embryonnaire » en une douzaine d’heures en janvier dernier, permettant ainsi une réactivité accrue de l’armée de l’air dans le lancement et la conduite des opérations aériennes. « L’intérêt essentiel d’avoir débuté cette opération d’ici, depuis Lyon, c’est qu’on a été capables de mettre en place une cellule de commandement et de contrôle des opérations en quelques heures. On a utilisé des personnes qui étaient déjà présentes à Lyon, qui ont déjà les équipements, les connaissances et les logiciels nécessaires pour commencer à planifier les opérations aériennes dans un temps extrêmement court », explique le « général Philippe », chef d’état-major de la composante aérienne de Serval. « La réactivité est uniquement possible si on réunit la compétence humaine, les moyens et l’infrastructure. On a également bénéficié des forces pré-positionnées en Afrique en combinant ce centre de commandement et les moyens sur place et c’est ainsi qu’on a pu mener une première opération à peine 24 heures après avoir reçu l’ordre de l’échelon de commandement militaire et politique. »
Le rôle de cette cellule est donc de planifier l’ensemble des opérations aériennes qui seront menées sur le terrain malien. La mise en place se fait en relation avec le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) basé à Paris, la « tête stratégique », avec le niveau opératif interarmées à Bamako et enfin avec N’Djamena pour la conduite proprement dite des opérations. « On travaille sur une échelle de temps de l’ordre de J-30 à J-5, en traduisant la stratégie d’ensemble, à J-30 par exemple, en plan à moyen terme à J-2, puis en mission aérienne à J-1, que ce soit une mission de renseignement, d’appui-feu ou de soutien logistique », explique le chef d’état-major de la composante aérienne de Serval. La conduite des opérations en temps réel le jour J se fait elle directement à partir de N’Djamena, au Tchad. Le cycle se répète en continu, comme le précise le général : « On travaille sur un horizon glissant et tous les jours on recommence cette activité d’anticipation et de préparation, c’est tous les jours un jour J ».
Ce travail en amont a montré son efficacité tout au long de l’opération Serval, comme lors de l’opération « Adrar Fever » menée vers la fin janvier-début février 2013. Une planification effectuée depuis Lyon avait permis à des chasseurs d’accomplir leur mission consistant à toucher 20 objectifs en une minute. Les avions avaient alors tiré douze AASM et huit GBU, puis des Rafale étaient ensuite restés dans les airs pendant six heures afin d’effectuer une mission de type SCAR (Strike Control And Reconnaissance).
Le centre de planification des opérations aériennes de Serval coordonne surtout les moyens aériens de l’armée de l’air et de la marine nationale, les moyens héliportés de l’armée de terre ayant un « tempo » différent : « Ils travaillent dans un espace temps différent du nôtre, nous n’avons pas la nécessité de nous coordonner au jour le jour pour ce que nous faisons au Mali, mais nous le faisons parfois sur certaines opérations ponctuelles ».
« La mission aérienne comprend deux phases distinctes : le temps différé, qui se passe ici à Lyon pour la préparation de la mission, et le temps réel, sur le terrain, où on conduit l’opération. Le temps différé est plus « simple », puisqu’on peut le préparer à l’avance, on a du temps pour élaborer la stratégie et la planification », explique le chef des opérations aériennes de Serval. « Le grand défi, c’est le contrôle en temps réel, et l’enjeu, ce serait de faire de la conduite en temps réel ici, depuis Lyon. Nous sommes déjà équipés de la technologie qui nous permettrait de le faire. » Le général Caspar-Fille-Lambie va en ce sens en précisant : « A tout moment, nous sommes capables de reprendre la conduite des opérations depuis la base ».
Le COMDAOA tire un premier bilan de l’opération malienne et souligne le gain d’efficacité de la chaîne de transmission de l’information : « Pour l’armée de l’air, c’est la première fois que nous avons conduit une opération aussi importante en national. Nous avons beaucoup gagné en conduite des opérations à partir d’outils nouveaux, puisqu’aujourd’hui, même sans radar et sans avion-radar au-dessus du Mali, je suis capable d’envoyer des ordres à des avions, grâce à un système de réseaux et de liaisons de données, au-dessus du territoire malien et jusqu’au Tchad ».

