Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nicolas Potier, le Directeur de la division Support & Services de Safran Aircraft Engines, va être bien occupé durant les prochaines années. Le maillage de la maintenance de la famille LEAP de CFM International est en train de se mettre en place et il ne concerne pas que les ateliers moteurs, loin de là.
Car huit ans après la mise en service du 1er A320neo équipé de LEAP-1A chez Pegasus, et sept ans après l’introduction du 737 MAX 8 chez Malindo, le nombre de « shop visits » concernant les successeurs des CFM56-5B/7B s’apprête à exploser dans les toutes prochaines années, en lien direct avec le plus important « ramp-up » de l’histoire pour une motorisation destinée à l’aviation commerciale.
Décidée dès 2008 par Safran et son partenaire GE Aerospace, la stratégie liée à la maintenance et aux réparations des moteurs de nouvelle génération repose sur un équilibre parfait, à 50/50, pour leurs deux réseaux de soutien. Il ne s’agit plus d’une répartition géographique du monde, mais bien d’un partage équilibré au niveau des trois grandes régions (Amérique, Europe et Moyen-Orient, Asie). Elle repose aussi sur un objectif ambitieux, avec un part de marché de 50% envisagé pour les deux partenaires, le reste étant partagé par des acteurs tiers dans le cadre d’un écosystème voulu « ouvert » comme pour le CFM56, avec déjà les cinq « Premier MRO » (AFI KLM E&M, Delta TechOps, Lufthansa Technik, ST Engineering et StandardAero), mais aussi par une dizaine d’autres partenaires ayant des capacités diverses en cours de mise en place – il y en aura une vingtaine au total, moitié moins que pour les CFM56.
Il faut dire que les choses s’accélèrent depuis quelques années avec la multiplication des visites en ateliers liés aux contrats de services signés avec les premiers opérateurs des moteurs LEAP, souvent des contrats complets à l’heure de vol (plus juteux, mais aussi avec une grande part de risque), une tendance qui va encore être démultipliée avant la fin de la décennie. Rien que pour Safran Aircraft Engines, l’objectif est d’atteindre la capacité d’environ 1200 événements de maintenance sur la famille de moteurs de nouvelle génération par an d’ici 2028, pour 5000 événements prévus au total chaque année pour toute la flotte à terme (800 à 900 aujourd’hui). Ensuite, le nombre de « shop visits » connaîtra un certain plateau, mais avec des visites nécessitant des opérations plus lourdes pour reconstituer les performances des moteurs.
Le motoriste français s’est ainsi engagé sur plus d’un milliard d’euros d’investissement pour quadrupler ses capacités en quatre ans, avec les nouveaux sites de Bruxelles (ouvert depuis le mois de juin), d’Hyderabad (2025) de Querétaro (2026) et de Casablanca (2026). De la même façon, GE Aerospace s’est parallèlement lancé dans un programme d’un milliard de dollars sur cinq ans pour développer et moderniser ses installations MRO au niveau mondial, en très grande partie pour le LEAP.
Mais ces investissements concernent aussi les ateliers de réparation des pièces qui viendront à contribution et qui limiteront l’utilisation de pièces neuves à chaque opération de maintenance, un enjeu clé pour ce qui est des coûts pour les opérateurs et donc pour la compétitivité du réseau de services de CFM International. Citons par exemple le futur atelier de réparation d’aubes de turbine HP de Safran à Rennes à partir de 2027/2028, l’acquisition en cours de Component Repair Technologies (CRT) aux États-Unis, la transition croissante du site de Châtellerault vers le LEAP…, avec à chaque fois la stratégie de développer des capacités de réparation pour les pièces dans les trois régions géographiques mondiales.
Évidemment, ce véritable changement d’échelle pour la MRO du LEAP chez Safran Aircraft Engines n’est pas une mince affaire, avec tous les défis associés au doublement des effectifs dédiés au niveau mondial prévus en seulement quatre ans pour atteindre 8000 personnes, dont la moitié à l’international (4000 fin 2023, dont un tiers seulement à l’international). À cela s’ajoutent l’amélioration logique des taux d’exécution des visites en ateliers (objectif de TAT inférieur à 100 jours) et l’amélioration du taux de disponibilité sous l’aile qui doit converger, voire dépasser les records de la famille CFM56.
La famille de moteurs la plus rapidement vendue de l’histoire de l’aviation commerciale a nécessité une véritable révolution industrielle pour pouvoir succéder aux CFM56. Sa maintenance l’est finalement tout autant…