Cette semaine est vraiment particulière pour Airbus. L’avionneur européen célèbre en effet les cinquante ans du premier vol de son tout premier appareil, MSN1. En ce 28 octobre 1972, l’A300B décollait ainsi pour la première fois de Blagnac, concrétisant les rêves assez fous des pères fondateurs comme Henri Ziegler ou Roger Béteille. Car à cette époque, l’industrie des avions commerciaux était très largement dominée par les avionneurs américains, avec Boeing bien sûr, mais aussi avec McDonnell Douglas et Lockheed, représentant plus de 80% de la flotte des avions de ligne du monde occidental.
Premier biréacteur à large fuselage au monde, l’A300 allait tout simplement définir ce qui est devenu la norme aujourd’hui dans le monde des gros-porteurs. Car s’il ne pouvait évidemment rivaliser sur le plan esthétique et technologique avec les Concorde qui commençaient à se multiplier à Toulouse, c’est bien lui qui allait finalement s’imposer et transformer peu à peu l’industrie aéronautique européenne et du même coup le transport aérien mondial. L’A300, c’était le tout premier succès d’une longue série qui allait finalement propulser Airbus à la première place, devant Boeing. En France, c’est incontestablement grâce à l’Airbus A300 qu’Air Inter a réussi à démocratiser l’avion en proposant des tarifs attractifs au plus grand nombre, raccourcissant les distances comme le fera plus tard le TGV.
La « grosse vache », surnom donné à l’époque par les équipes d’Airbus, aura finalement été produite à 561 exemplaires (816 si on l’associe à l’A310) jusqu’en mars 1986. Certains voleront d’ailleurs encore jusqu’à la prochaine décennie, notamment en version cargo pour les gros intégrateurs mondiaux. L’A300 a d’ailleurs toujours été apprécié par ses pilotes, de par sa simplicité et sa robustesse (on se souviendra longtemps du missile tiré sur un appareil de DHL à Bagdad en 2003). Il pouvait aussi se montrer assez « viril », en témoigne cette capacité à décoller comme une fusée avec ses volets hypersustanteurs complétement rétractés, un moment assez impressionnant pour des passagers un peu observateurs.
Sur un plan plus personnel, l’Airbus A300 a été mis en service quelques mois seulement après ma naissance, en mai 1974, sous les couleurs de la compagnie Air France. C’est d’ailleurs aussi l’histoire de mon tout premier vol à bord d’un avion de ligne bicouloir pour rejoindre le Maroc après les traditionnelles grandes vacances, en UM (Unaccompanied Minor). Les A300B4 d’Air France étaient parfois déployés entre Orly-Sud et Casablanca durant les pointes de trafic, remplaçant les traditionnels 727. L’A300, c’est également pour moi le souvenir de nombreux exemplaires d’Eastern Air Lines faisant la queue au décollage à Miami au milieu des années 80, alors que mon vol effectuait une escale technique pour rejoindre Mexico. C’est d’ailleurs quelques années plus tôt, en 1978, qu’Airbus réalisait son véritable coup de poker avec cette compagnie pour y poser plus d’une vingtaine d’exemplaires, les tout premiers en Amérique.
Je me souviendrai aussi encore longtemps de mon premier vol intérieur dans l’Empire du Milieu, une décennie plus tard, un vol assuré par un A300-600R de la défunte China Northwest. J’avais pour cela dû traverser Pékin à vélo pour acheter mon billet papier au siège de la CAAC, tout un symbole. L’A300, c’est enfin un premier voyage particulièrement marquant en Birmanie, sous les couleurs de Thai Airways, avec une cabine richement décorée, encore le signe d’une autre époque.
L’Airbus A300 a cinquante ans cette semaine. Et s’il a été clairement le point de départ de quelque chose de bien plus grand en venant transformer le transport aérien mondial et en venant créer ce qui se fait de mieux en termes de coopération industrielle en Europe, il a incontestablement aussi été la source de nombreuses vocations, dont la mienne.

