Le moins que l’on puisse dire, c’est que fameux avion à hydrogène suscite toujours beaucoup de scepticisme parmi les experts du secteur et notamment chez certains motoristes, même si tous s’accordent pour dire qu’un tel système de propulsion sans émission est dans le domaine du possible, à plus ou moins longue échéance. Rolls-Royce vient d’ailleurs de faire fonctionner un turboprop AE 2100 alimenté à l’hydrogène vert, montrant de fait que ce n’est pas à ce niveau que demeurent les principales difficultés.
En fait l’aviation est confrontée à deux enjeux majeurs qui coexistent, mais qui ne sont en rien liés, si ce n’est que dans une logique de mitigation du risque pour l’après-pétrole. Il ya d’une part l’impératif du « Zéro émission nette » pour le transport aérien fixé à horizon 2050, un objectif déjà extrêmement ambitieux, mais qui semble aujourd’hui à portée au regard de la multitude d’engagements des acteurs du secteurs ainsi que des États. Et il y a d’autre part l’objectif du « Zéro émission » tout court, synonyme de la fin de l’utilisation des énergies fossiles pour un secteur d’activité qui est tout simplement né avec le pétrole, et qui représente donc un défi encore bien plus grand pour l’avenir, à particulier à partir du moment ou le « peak oil » sera franchi, avec des prix qui augmenteront logiquement considérablement et qui menaceront de fait la viabilité des compagnies aériennes et des voyages en avion tout simplement.
Airbus, devenu le numéro mondial de l’aviation commerciale depuis quelque temps, l’a bien compris et est devenu un véritable moteur des initiatives visant à produire un avion à hydrogène un jour. Les nouveaux partenariats dévoilés durant le deuxième Airbus Summit pour son projet ZEROe (HyPort, ArianeGroup) et la genèse d’un démonstrateur de système de propulsion à pile à combustible de la classe du mégawatt qui sera testé à Ottobrunn l’année prochaine sont autant de signaux pour dire que les choses ne resteront pas à l’état de simples images de synthèse.
En visitant de site bavarois d’Airbus Defence and Space, nous avons clairement pu voir que de premiers investissements lourds étaient maintenant tangibles, avec l’ambitieux projet de faire voler un tel moteur à bord de l’A380 MSN1 vers 2026. Évidemment, les choses ressemblent encore très davantage aujourd’hui à des travaux de recherche qu’à de l’intégration d’un tel système propulsive sur un avion régional, en témoignent la taille des installations d’essai dédiées à Ottobrunn qui m’ont immédiatement rappelé mes toutes premières années d’études à la Faculté des Sciences d’Orsay, et à ses accélérateurs à particules. De là à venir conclure qu’Airbus deviendra aussi un jour un motoriste, comme on peut le lire un peu partout, c’est sans doute un peu fort de café. En revanche, que cela serve d’élément fédérateur pour faire monter des motoristes dans l’initiative ZEROe d’Airbus est bien plus crédible.
Car le calendrier de l’avion à hydrogène reste clairement une grande inconnue et le président exécutif d’Airbus Guillaume Faury n’hésite plus à dire qu’il pourrait finalement être retardé tant les enjeux sont complexes au niveau de tout l’écosystème entourant les opérations des avions commerciaux, à commencer par la simple disponibilité de quantités suffisantes d’hydrogène vert à horizon 2035. Et il est clair qu’avec les difficultés que nous connaissons en France et en Europe cet hiver pour produire de l’électricité, de surcroît non renouvelable, la production massive d’hydrogène vert tient du domaine de la science-fiction. Mais la science progresse aussi, avec par exemple cette avancée majeure du Laboratoire national Lawrence Livermore (LLNL) en Californie dans le domaine de la fusion nucléaire et la confirmation très attendue aujourd’hui du département de l’Énergie des États-Unis.
Et c’est très certainement comme cela que l’avion commercial à hydrogène pourra venir un jour…

