Il y a quelques jours, le numéro un mondial de l’aviation régionale présentait sa famille EVO, une véritable feuille de route devant conduire à la future génération d’ATR qui succédera à l’actuelle série -600. Mais en dévoilant ses projets, ATR a aussi quelque peu remis les pendules à l’heure, ce que je décrirai dans cet éditorial comme les quatre points cardinaux du futur de l’aviation régionale.
1. Avec EVO, ATR a tout d’abord confirmé le sérieux des multiples travaux en cours chez des motoristes et équipementiers comme Pratt & Whitney Canada, avec Collins Aerospace (démonstrateur hybride-électrique, successeur du Projet 804) et Ratier Figeac (systèmes d’hélices avec plus d’efficacité propulsive) dans les domaines concernés, même si aucun de ces fournisseurs n’est, à ce stade, encore officiellement monté à bord de la future génération d’appareils annoncée par l’avionneur franco-italien pour l’horizon 2030. Il est ici aussi question de compatibilité 100% SAF, et comme prévu, l’aviation régionale sera très certainement le fer-de-lance de l’arrivée de l’hybridation dans l’aviation commerciale, parallèlement à ce qui se déroulera logiquement aussi chez les grands hélicoptéristes.
2. Avec EVO, ATR a aussi rassuré son importante base client quant à l’avenir de sa gamme, alors que les opérateurs d’avions régionaux de ce type, parfois de taille très modeste, ont évidemment besoin d’un avionneur avec une stratégie claire pour continuer à assurer une connectivité régionale essentielle, vitale même pour certaines régions reculées. Les améliorations incrémentales, qui n’ont cessé de venir s’ajouter aux appareils du constructeur d’avions régionaux de Toulouse depuis quarante ans, ont permis de toujours creuser davantage l’écart avec les jets régionaux, tant sur le plan de la consommation en carburant que sur la rentabilité de ce type de lignes aériennes. C’est ce dont ont besoin les opérateurs d’ATR actuels qui remplaceront un jour leur flotte.
3. Avec EVO, ATR a clairement voulu mettre une pression forte sur Embraer et son projet d’avion régional turbopropulsé, un appareil qui pourrait être présenté plus en détail lors du prochain salon aéronautique de Farnborough en juillet prochain. Pour l’instant, l’avionneur de São José dos Campos multiplie les images d’artistes et ces dernières n’apportent pas beaucoup de crédibilité à ses ambitions, avec cette architecture mêlant fuselage large (celui de la famille E-Jet E2) et motorisation à l’arrière. Il faudra faire beaucoup mieux pour pouvoir lancer un tel programme à la fin de l’année et vouloir ainsi chasser sur les terres du numéro un mondial des avions commerciaux de moins de 90 sièges…
4. Avec EVO, ATR a finalement remis beaucoup de cohérence au milieu de cette frénésie d’annonces des industriels depuis deux ans dans le cadre de la décarbonation de l’aviation, notamment sur le plan du fumeux hydrogène. ATR a ici voulu parler à ses clients, à ses fournisseurs, à ses salariés, et donc finalement à des professionnels, comme l’avaient d’ailleurs aussi fait il y a un an Safran et GE Aviation avec le programme de recherche et de développement sur les soufflantes non carénées RISE qui viendra sans doute cette fois révolutionner le marché des moyen-courriers à partir du milieu de la prochaine décennie. Il n’est plus ici question de parler aux politiques avec des grands principes théoriques (l’hydrogène est même devenu un sujet de plaisanterie pour beaucoup de patrons de compagnies aériennes) et je dois dire que ça fait du bien…