La signature finale des trois conversions d’Airbus A330 MRTT destinées à l’Espagne a clairement mobilisé la presse ces derniers jours. Étonnement, l’information est pourtant officielle depuis juillet 2020 avec la décision du gouvernement espagnol de racheter trois des douze A330-200 de la compagnie aérienne Iberia, des appareils immobilisés depuis le début de la pandémie faute de trafic sur les Amériques. Ces avions commencent déjà à être livrés à l’Ejército del Aire (photo) et seront convertis dans les prochaines années par Airbus à Getafe, près de Madrid, un processus plutôt rare pour des avions de seconde main.
En France, l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) devrait en toute logique adopter le même principe pour ses trois derniers exemplaires, des appareils livrés par Airbus en configuration de transport de passagers depuis la fin de l’année dernière pour venir répondre aux besoins de l’escadron de transport 3/60 « Estérel » (deux appareils livrés, le troisième attendu mi-2022) mais qui seront convertis en A330 MRTT à partir de 2025 pour finir de constituer la flotte de 15 appareils Phénix à horizon 2030.
Pourtant, la France peut compter sur deux grandes sociétés de maintenance qui connaissent particulièrement bien l’A330-200, Air France Industries et Sabena technics. Toutes deux interviennent régulièrement sur cette plateforme pour des inspections de maintenance lourde et toutes deux ont été particulièrement impactées par la diminution des heures de vol des avions gros-porteurs avec les restrictions de voyages liées à la pandémie depuis mars 2020. Or on sait que l’activité maintenance liée aux avions long-courriers ne reprendra pas avant 2025, au plus tôt. Et c’est à peu près à cette date que les derniers A330 commandés par la France devront aussi amorcer leur reconfiguration. Une présence accrue des acteurs MRO français sur les derniers A330 MRTT de l’AAE serait donc particulièrement logique au niveau des visites programmées, mais peut-être plus encore en venant aussi participer directement au processus de modification qui suivra logiquement dans la foulée.
Jusqu’à présent, les futurs A330 MRTT étaient produits par Airbus à Toulouse dans une configuration « green » puis transférés à Getafe pour entamer un long processus de conversion en avion de transport multirôle, avec l’ajout des modifications structurales et l’installation des différents kits spécifiques pour pouvoir assurer leurs nouvelles missions. De rares exceptions existent, à l’instar de deux des six exemplaires destinés à la Force aérienne royale saoudienne qui furent modifiés dans les hangars d’Iberia Mantenimiento à Madrid-Barajas pour soulager les installations de l’avionneur à Getafe. La Force aérienne royale australienne figure quant à elle comme le seul exemple à avoir eu recours pour l’instant à d’anciens avions de ligne pour développer sa flotte d’A330 MRTT, avec la conversion de deux A330-200 opérés par la compagnie aérienne Qantas durant sept ans. C’est exactement le processus qui attend les trois futurs MRTT espagnols entre 2024 et 2025, puis les trois derniers exemplaires français.
Mais Airbus continue régulièrement à remporter de nouveaux contrats pour ses A330 MRTT, à l’instar des deux nouveaux exemplaires vendus durant la dernière édition du salon aéronautique de Dubaï la semaine dernière. Le Canada figure comme l’un des prochains clients, Airbus DS étant simplement le seul soumissionnaire pour le projet ASTRV (Avion stratégique de transport et de ravitaillement en vol), avec des appareils livrables à l’Aviation royale canadienne (ARC) à partir de 2028, de quoi largement occuper les installations de l’avionneur en Espagne.
Il y a surement ici une belle occasion de faire un peu plus profiter les MRO français dans un accord gagnant-gagnant, sait-on jamais…