La guerre commerciale lancée unilatéralement par Donald Trump à l’ensemble du monde, en faisant fi des nombreux traités régissant les droits de douane et les mesures de réciprocité du commerce (OMC, réglementation sur le commerce pour les avions civils du GATT de 1979, Article 24 de l’OACI…) pose encore bien des questionnements sur son impact à court terme sur le secteur aéronautique, d’autant que les mesures de rétorsion induites sont encore loin d’être définies, en particulier pour l’UE. Ce qui semble certain, à plus long terme, ce que le monde entier risque d’y laisser des plumes, et tout particulièrement les États-Unis.
Le florilège de conséquences potentiellement dévastatrices qui pourraient apparaître rapidement tient évidemment directement de l’augmentation des droits de douane pour des avions et leurs équipements (moteurs, sièges, monuments, pièces de rechange, consommables…), avec à la clé un impact sur les marges des industriels, une complexification des échanges entre partenaires, des augmentations de prix et une possible nouvelle fragilisation des chaînes d’approvisionnement mondiales, avec ses retards induits. Airbus peut heureusement s’appuyer sur sa FAL américaine pour réduire son exposition en ce qui concerne ses monocouloirs, ce qui est évidemment moins vrai pour les gros-porteurs commandés par Delta Air Lines (A330neo, A350), par ailleurs motorisés par Rolls-Royce.
Tous les contrats existants sont évidemment épluchés par les industriels et leurs clients pour savoir qui devra payer à la fin, ou si des alinéa leur permettront de refuser une augmentation des coûts en vertu des règles du commerce qui étaient de rigueur jusqu’à présent, et alors que le montant réel des barrières douanières n’est pas encore totalement fixé. Le jeu dangereux des États-Unis pose aussi problème pour certains de ses programmes de Défense (par exemple pour le F-35 de Lockheed Martin), certains composants étant évidemment produits dans des pays soumis aux nouveaux droits de douane et en particulier en Europe.
Autre conséquence potentielle à court terme, la diminution de la demande pour de nouveaux jets d’affaires aux quatre coins du monde, même aux États-Unis, avec l’importante baisse des marchés financiers mondiaux, et ses possibles répercussions directes dans le monde réel plus tard. Dassault Aviation s’était d’ailleurs déjà préparé à ce scénario, voyant potentiellement une possible baisse du nombre de livraisons de Falcon cette année par rapport à ses objectifs initialement fixés pour l’année (40). Il en est évidemment de même pour Bombardier au Canada, pour les avions TBM de Daher en France…
De nombreux analystes pensent aujourd’hui que c’est surtout Boeing qui sera le plus affecté par la nouvelle guerre commerciale lancée par Trump, avec en particulier les mesures de rétorsion prises par de nombreux pays affichant une balance commerciale fortement excédentaire vis-à-vis des États-Unis. On pense d’ailleurs inévitablement à la Chine, mais aussi à de nombreux pays d’Asie du Sud-Est, au Japon, à la Corée du Sud… Cela pourrait être vrai, à la condition que l’achat de nouveaux appareils auprès de l’avionneur américains ne soit pas l’une des contreparties dans la balance voulues par le gouvernement américain pour réduire l’excédent commercial de certains pays, avec à la clé une réduction des barrières douanières. Le programme C919 de COMAC peut d’ailleurs être le premier grand perdant de l’histoire, tant son avenir dépend du bon vouloir des autorités américaines quant à ses moteurs CFM et à de nombreux systèmes, le bras de fer de Donald Trump s’apparentant chaque jour davantage à une guerre économique contre la Chine.
Mais le plus important n’est même pas là. La crise de 2008 a fortement marqué les esprits quant à ses conséquences sur l’industrie aéronautique et sur le transport aérien mondial. La situation actuelle est cependant bien différente aujourd’hui compte tenu des importants besoins de renouvellement des flottes et des retards de livraisons depuis la crise COVID. Mais la conjoncture économique de certains pays qui auront été fortement impactés par la guerre commerciale de Trump, si elle devait durer, et à commencer par les États-Unis, n’est pas pour rassurer. Les transporteurs cargo et les compagnies aériennes dépendantes des marchés transatlantiques et transpacifiques sont malheureusement déjà aux premières loges depuis quelques jours.