« Je ne suis pas satisfait de Boeing », a déclaré Donald Trump le 19 février. Si la saillie n’a rien de surprenant, à la fois parce qu’elle vient du président des Etats-Unis et qu’elle vise Boeing, elle met directement le programme d’avion présidentiel VC-25B dans son collimateur. Alors qu’il est lui-même à l’origine de la commande pour ces deux Boeing 747-8 modifiés, conclue lors de son précédent mandat, et que le mandat de Joe Biden s’est intercalé depuis, Donald Trump pourrait en effet ne jamais embarquer dans un Air Force One neuf.
Bien sûr, Boeing est en partie responsable. Ses problèmes de qualité ont également touché le programme VC-25B, avec des problèmes d’habilitation de sécurité pour certains collaborateurs, la découverte de bouteilles d’alcool vides dans les appareils ou la nécessité d’effectuer des réparations structurelles. La faillite de certains fournisseurs, la pénurie de main d’œuvre, les arrêts de production entraînés par la crise sanitaire puis la grève n’ont rien arrangé.
Mais le programme ne partait pas gagnant. Le président Trump avait en effet arraché un contrat plafonné à 3,9 milliards de dollars à l’ancien directeur général de Boeing, Dennis Muilenburg, en 2018. Rapidement critiqué par Boeing après le départ du dirigeant, il exigeait la transformation de deux 747-8 déjà produits pour Transaero mais jamais livrés en appareils capables d’assurer la continuité gouvernementale dans n’importe quelles conditions, avec une entrée en service avancée à 2024. La complexité de la tâche a déjà entraîné des surcoûts de deux milliards de dollars et au moins trois ans de retard, voire cinq selon les dernières estimations de Washington. Toute modification nécessaire en cours de programme serait en effet plus longue et plus coûteuse à mettre en place. Or certaines ont dû être décidées par l’US Air Force pour faire face aux évolutions des menaces potentielles, tandis que les atermoiements des présidents autour de la livrée ont également complexifié le processus.
Avec la visite d’un 747-8 VIP ayant appartenu à la famille dirigeante qatarie le week-end dernier, Donald Trump a voulu faire passer le message qu’il avait toujours une autre solution à sa portée : acquérir un appareil de seconde main et y faire apporter des modifications. Là encore, convertir et sécuriser un appareil au niveau des actuels VC-25A puis le faire certifier prendra du temps.
Il semble donc qu’il revienne désormais à Elon Musk et à sa légendaire efficacité de sauver le VC-25B et de le ramener dans les rails, au moins en termes de calendrier. Le nouvel homme fort des Etats-Unis, ministre de l’« efficacité gouvernementale », a en tout cas proposé son aide pour accélérer l’avancée du programme en faisant le ménage entre les exigences incontournables du cahier des charges et celles n’apportant pas de valeur ajoutée aux appareils.
Selon les informations du New York Times, il envisagerait plusieurs pistes : assouplissement des habilitations sécurité des collaborateurs travaillant sur les parties les moins sécurisées des VC-25B pour augmenter leur nombre, allègement du programme d’essais en vol, réduction du nombre d’équipements militaires embarqués… Des mesures potentielles qui soulèveraient des questions immenses sur la sécurité d’appareils devant transporter et protéger le gouvernement américain, mais qui permettraient peut-être de faire gagner quelques mois à Boeing et de donner à Donald Trump la satisfaction de terminer son mandat sur l’inauguration de son Air Force One ?