Le transport aérien adopte de plus en plus le système du voyage à la carte. Avançant l’argument que les passagers peuvent ainsi ne payer que les services dont ils souhaitent profiter, les compagnies développent ce système de tarification, au détriment de la clarté de l’offre. Ce faisant, sur le moyen-courrier, la différenciation entre compagnies traditionnelles et compagnies low-cost est de plus en plus floue.
Les compagnies traditionnelles se mettent à facturer leurs services
Selon une étude réalisée par le groupe français d’audit et de conseil KPMG (intitulée Airline Disclosure Handbook 2013 et publiée en février dernier), les compagnies traditionnelles, dans leur objectif de réduction des coûts et face au poids de leurs syndicats, se sont concentrées sur les « économies faciles », proposant des billets sans service – type low-cost donc – et facturant ceux-ci en sus. En revanche, les prix d’appel des billets n’ont pas nécessairement diminué.
Par exemple, en lançant les prix Mini, Air France a conservé les prix d’appel qu’elle proposait déjà régulièrement (à moins de 100 euros l’aller-retour vers la France et l’Europe) mais facture désormais entre 15 et 30 euros le bagage en soute. Aux Etats-Unis, les compagnies ne proposent plus de repas à bord en classe économique sur leurs vols court-courrier, imitées en cela par Aer Lingus ou Iberia. D’autres services qui peuvent désormais être facturés : le choix du siège, un siège offrant davantage de place pour les jambes (au niveau des portes de secours notamment), le cumul de miles et parfois même le bagage cabine (une invention de la compagnie américaine Spirit).
Une tendance s’est également développée en parallèle, initialement aux Etats-Unis mais qui se répand en Europe : les packages. Le passager peut en effet choisir de réserver un billet à un tarif plus élevé (Classic ou Flex chez Air France) pour profiter d’un assortiment de ces services devenus optionnels. C’est également le modèle qu’a choisi Germanwings en Allemagne ou, plus récemment, Brussels Airlines.
Ces options (ancillaries, ou revenus annexes) prennent ainsi de plus en plus de place dans le chiffre d’affaires des compagnies. Selon l’IATA, elles ont dépassé 5% du CA des membres de l’association en 2012, rapportant 36 milliards de dollars, contre 2,5 milliards de dollars en 2007. Elles englobent également toute une série de nouvelles offres, comme le wifi à bord ou la possibilité de choisir, avant le vol, un repas spécial – Air France en propose cinq (Tradition, BIO, Italia, « Une Sélection LENÔTRE » et Océan).
Il n’existe plus un seul modèle de low-cost
Les low-cost aussi entretiennent cette confusion en diversifiant leurs offres, afin de viser la clientèle d’affaires. Si Southwest Airlines (qui, d’ailleurs, ne facture ni le bagage en soute ni la modification du billet) et Ryanair incarnent le modèle low-cost, leurs concurrentes ont tendance à s’en éloigner plus ou moins et il en existe désormais plusieurs types.
Lors du forum French Connect, qui s’est déroulé à Bordeaux au début du mois de juillet, les représentants de Ryanair, easyJet, Vueling, et Transavia ont incarné cette diversification des modèles. Face à Ryanair, pure compagnie à bas coûts qui dessert les aéroports secondaires et exploite une flotte jeune composée d’un seul type d’appareils, easyJet et Vueling ont fait évoluer leur offre.
Toujours low-cost, easyJet a choisi de desservir des aéroports principaux et propose des services annexes comme l’embarquement prioritaire, un tarif Flexi ou une carte d’abonnement, tout en faisant en sorte qu’ils « ne coûtent pas un centime de plus à la compagnie », a souligné François Bacchetta, son directeur France.
Julio Rodriguez, le directeur des opérations de Vueling, a expliqué quant à lui que Vueling était partie d’un modèle low-cost mais qu’elle s’en était éloignée en ajoutant des services de compagnie traditionnelle (comme le siège du milieu restant vide à l’avant de l’appareil). Et Transavia a encore un modèle différent, ses ventes reposant principalement sur les tours-opérateurs.
Aux Etats-Unis, JetBlue a toujours servi à ses passagers de quoi grignoter et n’a jamais cédé à la tentation de serrer au maximum ses sièges dans les avions ; elle vient par ailleurs de présenter une nouvelle cabine, dotée d’une classe Premium. Un choix qu’avaient déjà fait Virgin Australia et Flydubai avant elle…
Ainsi, la frontière entre low-cost et compagnie traditionnelle est devenue plus floue. Cela se traduit également dans les coûts unitaires. KPMG explique en effet que la différence des coûts au siège entre les deux grands types de compagnies a été réduite de 30% en six ans, passant de 3,6 à 2,5 cents. Le cabinet explique toutefois qu’il va désormais être difficile pour les compagnies traditionnelles de réduire encore leurs coûts, du fait de leur structure. Par ailleurs, il estime que la tentative de certaines low-cost de capturer la clientèle d’affaires avec de nouveaux services va leur poser des difficultés pour maintenir leur compétitivité face à leurs concurrentes. Jusqu’à gommer complètement toute différence ?
