Le transport aérien va devoir s’impliquer plus avant dans le développement durable. La Commission Européenne a adopté le 20 décembre un projet de directive prévoyant d’intégrer le secteur de l’aviation commerciale au système ETS (Emissions Trading Scheme) de l’Union Européenne. Les compagnies aériennes vont ainsi se voir attribuer des droits d’émissions de gaz à effet de serre. Echangeables avec ceux d’autres compagnies et industries, ils concerneront tous les vols internationaux intra-européens dès 2011 puis tous les vols au départ et/ou à l’arrivée d’un aéroport de l’UE à partir de 2012. Les vols domestiques ne sont pas concernés car ils sont déjà couverts par le protocole de Kyoto.
Cette directive devrait s’appliquer à tous les appareils commerciaux posant leurs roues sur le tarmac européen, que la compagnie soit européenne ou extracommunautaire. Le nombre total de droits d’émissions sera plafonné au niveau moyen de celles-ci entre 2004 et 2006. Il sera ensuite réparti entre les compagnies sur la base de leur historique de trafic. Si elles parviennent à réduire leurs émissions, elles pourront au choix mettre les quotas qui leur restent de côté ou bien les vendre. Si elles souhaitent les augmenter, elles devront acheter des droits auprès d’autres compagnies ou industries.
Le constat de l’UE
L’UE espère ainsi atteindre les objectifs de réduction des émissions qu’elle s’est fixée dans le cadre du protocole de Kyoto. En effet, elle s’est engagée à réduire de 8% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2012. Si rien n’est fait auprès du secteur aérien, l’augmentation du trafic pourrait réduire à néant 25% des résultats des efforts consentis par les industries.
Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) issues de l’aviation commerciale représentent aujourd’hui 3% de celles de l’Union Européenne. Mais leur volume pourrait doubler d’ici 2020. De plus, cette proportion ne prend pas en compte les autres formes de gaz et particules relâchées dans l’atmosphère par les réacteurs, susceptibles de modifier le climat. Ainsi, les monoxydes et dioxydes d’azote (NOx) produisent de l’ozone sous l’effet du rayonnement solaire. La vapeur d’eau rejetée à haute altitude crée quant à elle des traînées de condensation qui réchauffent également l’atmosphère et peuvent s’agglomérer pour former des cirrus.
Le choix d’appliquer le système des échanges de droits d’émission est supposé avantager compagnies et passagers. Il revient en effet moins cher que l’autre solution envisagée de taxer le carburant, aujourd’hui exonéré de taxes sur les vols internationaux. Elle devrait permettre de réduire les émissions de 46% par an, par rapport à leur niveau actuel, soit de 183 millions de tonnes (deux fois ce que rejette un pays comme l’Autriche en un an).
Les mesures à prendre…
L’UE considère que les compagnies ont plusieurs moyens à leur portée pour réduire leurs rejets de gaz à effet de serre : l’accélération du renouvellement de leur flotte, l’ajout de winglets au bout des ailes ou le changement des réacteurs, en ce qui concerne les solutions industrielles. Elles ont sinon toujours l’option de continuer à optimiser au maximum leur programme de vol, leurs routes et leurs fréquences. Une menace pèse toutefois sur les passagers : les investissements qu’occasionneraient ces mesures pourraient se répercuter sur le prix des billets. Si tel est le cas, ils augmenteraient de 1,8 à 9 euros sur les vols intra-européens, de 8 à 40 euros sur un aller-retour à New York.
Dans l’ensemble, le secteur du transport aérien est plutôt favorable au système d’échange. L’IATA (International Air Transport Association), Air France, Finnair et même easyJet l’ont déjà applaudie. Mais avec mesure…. Toutes s’accordent en effet sur un point : l’Europe doit participer et mettre en place au plus vite le Ciel Unique Européen. Le système de contrôle aérien est beaucoup trop compliqué et inefficace en Europe : l’IATA a dénombré trente-quatre organisations différentes chargées de réguler le trafic dans l’UE. Ceci entraîne dysfonctionnements, retards, donc augmentation des temps de vol. Une seule organisation, comme elle existe aux Etats-Unis pour des mouvements et une surface similaires, permettrait non seulement une plus grande efficacité dans la gestion du trafic mais aussi l’optimisation accrue des routes de vol. Avec le Ciel Unique, 12% des émissions de dioxyde de carbone seraient économisées.
… et celles déjà entreprises
Certaines compagnies sont déjà allées plus loin. SAS par exemple applique le principe de l’éco-atterrissage à toute sa flotte de Boeing 737 en Suède. Il s’agit d’amorcer la descente plus tôt afin que les réacteurs tournent au ralenti et que le vol plané dure plus longtemps. Chaque appareil économise ainsi une centaine de kilogrammes de kérosène et réduit ainsi ses rejets de CO2 de 314kg. Elle souhaite le développer à terme dans tous les aéroports européens. Une approche que Virgin Atlantic envisage également.
Sir Richard Branson est en effet très engagé dans la lutte contre le réchauffement. Il a déjà pris plusieurs dispositions chez Virgin Atlantic en appliquant une peinture plus légère pour la livrée de ses appareils, en installant des équipements plus légers, des bouteilles à oxygène et des palettes cargo en fibres de carbone plutôt qu’en métal.
Mais surtout, il a présenté un plan au mois de septembre qui pourrait réduire les émissions au sol et a mené toute une série de tests au mois de décembre aux aéroports de Londres Heathrow et Gatwick avec ses Boeing 747-400. Il s’agit de la création d’une « grille de départ » très proche des pistes de décollage avec des aires de stationnement. Une fois les passagers embarqués, l’appareil serait conduit hors de son stationnement au contact à l’aide d’un camion tracteur vers cette surface, où il n’allumerait ses réacteurs que dix minutes avant le décollage. Cela diminuerait considérablement le temps durant lequel les moteurs fonctionnent avant le décollage. Les mouvements au sein de l’aéroport seraient également rendus plus efficaces par la diminution de la congestion pour se rendre sur l’aire de stationnement au contact et la réduction du temps de queue. Virgin a estimé que les émissions de CO2 avant le décollage seraient diminuées de moitié à Heathrow et de 90% à New York JFK. Les appareils pourraient également embarquer moins de carburant et, étant plus légers, consommeraient moins une fois en vol. Si toutes ses belles paroles se traduisent réellement en actes, le ciel européen n’aura jamais été aussi bleu.