Le sommet annuel de l’IATA organisé la semaine dernière à Doha a permis de dresser un bilan économique sur le transport aérien mondial, un secteur qui poursuit inlassablement sa croissance et qui contribue de façon certaine à l’amélioration de l’économie mondiale, participant à hauteur de 1% sur le produit mondial brut (PMB) cette année, avec un chiffre d’affaires attendu de 746 milliards de dollars et plus de 58 millions d’emplois liés à travers le monde.
L’association Internationale du transport aérien, qui représente quelque 240 compagnies aériennes pour 84% du trafic mondial, prévoit une sixième année de bénéfice consécutive en 2014 avec un objectif de 18 milliards de dollars de gain net, un résultat encourageant, mais jugé encore fragile, au regard des très faibles marges inhérentes au secteur.
Les perspectives de bénéfices des compagnies aériennes ont d’ailleurs été revues légèrement à la baisse par rapport aux précédents objectifs attendus par l’IATA en mars dernier (18,7 milliards), notamment à cause du tassement de l’économie chinoise et du ralentissement du cargo ces derniers mois, ainsi qu’à des incertitudes géopolitiques dans certaines régions comme l’Ukraine ou la Thaïlande.
Des marges encore trop faibles
Comme l’a souligné Tony Tyler, le Directeur général de l’IATA, lors de son discours d’ouverture de l’AGM à Doha, « Nos performances financières ne sont pas à la hauteur de la valeur que nous apportons à l’économie mondiale ». Le retour sur investissement du secteur est de seulement 5,4% ; certes bien meilleur que le 1,4% généré en 2008, mais « encore très inférieur à celui d’autres industries et toujours situé au moins deux points en deçà des objectifs, compte tenu des importants investissements en cours ».
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Pour Brian Pearce, Économiste en chef de l’IATA, « il est même remarquable que notre industrie arrive à générer du profit, alors que le prix du carburant est resté au-dessus des 120 dollars le baril au cours des trois dernières années ». Cependant, ajoute-t-il, la croissance du trafic, « particulièrement forte cette année » permettra d’améliorer les recettes.
« C’est la première fois que le coefficient de remplissage moyen mondial dépassera les 80% » s’est ainsi réjouit Brian Pearce, même si Tony Tyler insiste sur le fait que les marges générées sur chaque billet d’avion vendu ne dépasseront pas les 5,42 dollars (4 euros) soit 2,4% du chiffre d’affaires généré sur la base des 3,3 milliards de passagers attendus, des marges qui devraient cependant atteindre les 6 dollars l’année prochaine.
Comme l’a souligné David Barger, le PDG de la compagnie américaine JetBlue à Doha, « les compagnies aériennes sont mal placées dans la chaîne alimentaire pour faire du profit », se référant ainsi aux autres acteurs liés au secteur comme l’industrie aéronautique, les aéroports, les organismes de contrôle voire même les hôteliers.
Brian Pearce a également révélé que le remplissage des cabines Premium (First et Business) avait connu un ralentissement durant les premiers mois de l’année, une baisse jugée temporaire, mais qui impactera les prévisions de recette des transporteurs.
Le carburant a un niveau record depuis trois ans
La facture carburant des compagnies aériennes devrait atteindre cette année les 212 milliards de dollars (base de 124,2 dollars le baril) représentant au minimum 30% de leurs coûts opérationnels. Mais plus que haut niveau du prix du carburant, c’est la volatilité du cours qui pose problème.
Pour Willie Walsh, le PDG d’IAG (British Airways, Iberia…), « les compagnies aériennes ont beaucoup trop d’inertie pour pouvoir s’adapter aux fluctuations du cours du carburant ». Même son de cloche pour Ivan Chu, le PDG du groupe Cathay Pacific qui rappelle que quels que soient les efforts consentis dans d’autres postes de coût, la facture carburant reste complètement incontrôlable.
Brian Pearce a cependant indiqué que l’organisation actuelle des espaces aériens était inefficace et que 5% du carburant brûlé aujourd’hui aurait pu être évité.
11000 avions en commandes, le risque de surcapacité fait débat
Les compagnies aériennes continuent à investir dans de nouveaux avions pour remplacer leur flotte existante ou pour augmenter leurs capacités. Ainsi, pour la seule année 2014, 1400 nouveaux avions vont être livrés pour un investissement de plus de 150 milliards de dollars. Selon l’IATA, la majorité de ces appareils vont remplacer des avions plus anciens, la flotte mondiale n’augmentant que de 600 avions pour atteindre très exactement 25 851 appareils.
Selon Brian Pearce, l’arrivée des nouveaux avions, plus économes en carburant, aura un impact bénéfique sur la facture de kérosène du secteur avec une réduction attendue de l’ordre 0,9%, « un gain en efficacité conforme aux deux précédentes années ».
Le risque de résurgence de surcapacité au cours des prochaines années a cependant animé les débats durant le sommet annuel de l’IATA à Doha, les avis des différents acteurs du secteur étant particulièrement partagés sur la question. « Nous voyons enfin les capacités s’adapter parfaitement à la demande » précise Brian Pearce qui rappelle que « ça na pas été le cas par le passé ».
Willie Walsh a ainsi rappelé par exemple que sur l’Atlantique Nord, les compagnies n’avaient pas encore rattrapé le total des capacités offertes en 2007. Pour Akbar al Baker, le Directeur exécutif de Qatar Airways, le risque de surcapacité n’existe pas, « les constructeurs ne produisant pas d’avions pour les parquer ensuite ». En revanche, le PDG de Cathay Pacific a été plus méfiant, jugeant que le risque était bien réel et que les compagnies devaient être flexibles et envisager des solutions de repli, même dans une région aujourd’hui très dynamique.
Le marché indien a particulièrement été cité avec l’arrivée de deux nouveaux acteurs sur le marché, alors qu’aucune compagnie aérienne ne fait aujourd’hui le moindre bénéfice.