L’interdiction temporaire des Boeing 777 équipés de réacteurs PW4000-112 dans l’espace aérien britannique peut-elle être interprétée comme un excès de zèle du ministère des Transports outre-Manche ?
Bien sûr, les décisions prises par la FAA aux États-Unis, avec le soutien de Boeing et des opérateurs concernés, sont allées strictement dans le même sens, car l’explosion non contenue de l’un des réacteurs du Triple Sept de la compagnie United Airlines, quatre minutes après son décollage de Denver, est un incident très grave, d’autant que deux autres occurrences, elles aussi liées à des ruptures d’aubes de soufflante pour cette même motorisation, se sont produites au cours des trois dernières années.
Oui, les 777-200 et -200ER de United Airlines viennent régulièrement desservir le Royaume-Uni en condition ETOPS, tout comme le reste de l’Europe depuis des décennies. Ces avions accusent indiscutablement le poids des années (l’incident du 20 février concernait l’avion de série numéro 5, produit en 1994), et en particulier leurs moteurs de très forte puissance qui doivent être tout particulièrement surveillés, avec la mise en place de nouveaux processus de contrôles non destructifs et la réduction des intervalles de maintenance. Les plus anciens appareils de la famille 777 sont par ailleurs en sursis, profitant encore pour certains de l’attractivité du volume de leurs soutes.
Mais, on s’en souvient, les autorités britanniques n’avaient pas été aussi promptes à bannir les vols de certains Triple Sept équipés de GE90 après l’accident d’un appareil de British Airways lors de son décollage de Las Vegas en septembre 2015.
Alors pourquoi ce « deux poids, deux mesures » dans la décision du gouvernement britannique, quand la très grande majorité des sujets de Sa Majesté ne peuvent de toute façon plus voyager ? Une première raison tient du fait que cette mesure n’aura finalement aucun impact sur les différents acteurs concernés par cette interdiction.
La seconde, bien plus stratège, est très certainement liée à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, avec un gouvernement britannique qui souhaite désormais peser davantage sur la scène internationale. Le ministre des Transports de Boris Johnson vient ainsi, en quelque sorte, légitimer le futur rôle de la CAA vis-à-vis de l’EASA.
Le poids combiné des réseaux sociaux et de certains médias anglo-saxons, avec leur influence sur l’information mondiale prémâchée, aura indiscutablement fait le reste.
