Il régnait une ambiance vraiment particulière hier matin à l’aube dans la zone d’arrivées du Terminal 2E de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle, qui regroupe désormais la quasi-totalité des vols intercontinentaux touchant l’Hexagone.
À première vue pourtant, la longue file d’attente menant aux guérites de la Police aux frontières était toujours là, malgré la récente interdiction visant les voyages hors de l’Union européenne. Mais cette fois, les passagers étaient clairement avertis et s’étaient évidemment préparés au pire, avec leurs multiples attestations et documents en main ainsi qu’avec leur fameux résultat négatif au test RT-PCR SARS-CoV-2, désormais minutieusement scrutés par de nombreux agents de la Protection Civile. Le long processus se faisait d’ailleurs, une fois n’est pas coutume, dans un calme olympien, même s’il fallait bien compter au moins deux bonnes heures pour parcourir les derniers cinquante mètres pour franchir la frontière.
Il était malheureusement facile aussi de constater que les flux de passagers sont graduellement en train de se tarir à nouveau en France, tout comme pour les principales plateformes aéroportuaires d’Europe, d’Asie ou du Moyen-Orient. Car si les taux de remplissage des 777-300ER et 787-8 d’Air Austral en provenance de Saint-Denis de La Réunion et de Dzaoudzi faisaient encore respectivement fières allures par rapport aux autres, que dire du 777-300ER aux deux tiers vides de Qatar Airways, des seuls 8 passagers du Dreamliner d’Air France en provenance de Singapour, du remplissage comparable pour l’A350 de Singapore Airlines un petit peu plus tard…
Les deux ou trois prochains mois vont assurément être très difficiles pour le monde du transport aérien, et même si la lueur du bout du tunnel est désormais perceptible avec la généralisation des campagnes de vaccinations aux quatre coins du globe, le secteur va nécessairement y laisser encore plus durablement des plumes, alors qu’il était pourtant déjà si durement impacté depuis onze mois.
La nouvelle recapitalisation d’Air France est d’ailleurs maintenant source de tensions avec Bruxelles quant aux légitimes contreparties vis-à-vis de la concurrence qui ne bénéficient évidemment pas des mêmes aides depuis le début de la crise. Car comment ne pas voir que de profondes inégalités sont aujourd’hui en train de se creuser dans le monde entier entre les différentes compagnies aériennes, en fonctions de leur taille, de leur actionnariat plus ou moins proche des États. Comment ne pas voir qu’avec cette crise qui dure, c’est un véritable fossé qui commence plus généralement à séparer le secteur public et le secteur privé sur le plan des concessions et des sacrifices liés à la situation sanitaire. Même les mesures du « quoi qu’il en coûte » en France ne profitent visiblement pas de la même façon à toutes les sociétés qui sont pourtant impactées avec la même force.
Une nouvelle frontière est finalement en train d’apparaître avec cette crise qui s’éternise et ses effets pourraient s’avérer encore bien plus durables que la crise sanitaire. Pas sûr en revanche que les politiques fassent mine de s’y intéresser dans le contexte actuel…

