Airbus s’est emmêlé dans 530km de câbles. Dans le cadre d’une réunion du Conseil d’Administration d’EADS le 3 octobre, Christian Streiff a déclaré qu’il avait procédé à une révision complète du programme A380. Résultat : la situation est « bien pire que prévu ». Le nouveau Président d’Airbus a identifié un sérieux problème de gestion des outils à l’origine des difficultés de câblage de l’A380 et a annoncé de nouveaux retards dans le calendrier.
Avec ce troisième délai, de près d’un an, le planning des livraisons a donc de nouveau été modifié. Si Singapore Airlines restera « the first to fly », elle ne recevra plus le premier exemplaire de l’appareil qu’en octobre 2007, alors que son arrivée était prévue pour le premier trimestre 2006 lorsqu’elle a passé sa commande en juillet 2001. Il sera l’unique A380 livré en 2007. Treize suivront en 2008 puis vingt-cinq en 2009. Les cadences de production devraient battre leur plein en 2010, lorsque quarante-cinq appareils seront livrés, dont certains dans leur version cargo.
Freiné par un enchevêtrement de câbles
Le câblage de l’A380 a été le maillon faible de la chaîne de production et l’élément déclencheur de la nouvelle crise qui s’est déclarée aujourd’hui. Les plans d’installation des harnais électriques dans les sections avant et arrière du fuselage dessinés par les équipes à Hambourg ne correspondaient pas à l’appareil réel se trouvant dans les chaînes de montage de Toulouse.
Mais la complexité du câblage de l’A380 n’est pas seule responsable. Plus grave, la raison fondamentale de ce décalage entre les équipes d’Allemagne et de France se situe dans l’absence d’harmonisation des outils d’ingénierie utilisés par les deux pays. Enfin, la maquette numérique en 3D censée faciliter l’intégration des harnais électriques n’a été mise en œuvre que très tardivement par rapport à l’avancée globale du programme et les équipes sont encore en phase d’apprentissage.
Une restructuration en cours
Christian Streiff a déjà répliqué. Le Président d’Airbus a lancé un programme dont la mise en œuvre a commencé et comportant trois mesures principales. Il s’est attaqué au cœur du problème : les outils de conception et de traitement des données seront uniformisés. Tous les centres d’excellence de l’A380 travailleront sur les mêmes logiciels, dont Catia V4, CIRCE et GILDA. Airbus devra donc également assurer la formation de ses employés à ces logiciels, un processus de plusieurs mois.
La quinzaine d’appareils actuellement en production sera achevée avec les outils actuels. Pendant ce temps, les nouveaux seront introduits sur les différents sites, les plans électriques seront redessinés et la maquette numérique sera achevée. Une équipe multinationale supervisera le bon déroulement de cette remise à niveau.
La gestion du programme a également subi un lifting. Ainsi, à Hambourg, un seul directeur a la responsabilité des activités concernant l’A380 : Rudiger Fuchs. Il est entouré d’une équipe renforcée et doit référer de ses activités au responsable du programme dans son intégralité Mario Heinen. L’installation électrique va également se voir attribuer une équipe dédiée composée de spécialistes de tous les sites d’Airbus, venant d’Hambourg, Toulouse mais aussi Saint-Nazaire et Broughton.
Enfin, Christian Streiff va serrer la vis et surveiller de près les activités du constructeur. Une direction rassemblant tous les sites a la charge d’exaucer ce voeu de transparence. Elle devra présenter des rapports quotidiens sur les problèmes et les progrès du programme afin que tous soient informés en permanence de son déroulement. Elle en rendra compte de façon hebdomadaire auprès du Président d’Airbus en personne. Cette reprise en main des rênes du constructeur ne devrait pas s’arrêter là. Plusieurs projets de restructuration de l’ensemble de la société sont actuellement à l’étude, notamment la réorganisation des sites de production. Prochain rendez-vous dans quatre mois.