Décidément les relations franco-polonaises en matière d’industrie de défense sont compliquées. Après l’échec du Mirage 2000-5 en 2002 face au F-16, c’est Airbus Helicopters qui vient d’être écarté par les autorités polonaises d’une façon bien ingrate, alors que l’hélicoptériste européen avait remporté l’appel d’offres pour fournir les hélicoptères multirôles du pays.
Airbus Helicopters devait en effet produire au moins une cinquantaine d’hélicoptères H225M Caracal pour rapidement remplacer les vieux Mi-8/17 (Transport) et Mi-14 (lutte anti-sous-marine) des forces armées polonaises.
Guillaume Faury, le président d’Airbus Helicopters vient d’ailleurs de publier une longue lettre ouverte à la Pologne pour mieux nous éclairer sur ce qui s’est réellement passé, rappelant au passage que la proposition d’Airbus était la seule à avoir parfaitement répondu à l’appel d’offres depuis le début et ajoutant aussi que la proposition de l’hélicoptériste était la seule à s’attacher aux ambitions de développement de l’industrie aéronautique du pays avec la création d’une entité détenue très majoritairement par l’Etat.
Mais voilà, le nouveau gouvernement polonais, particulièrement eurosceptique, est passé par là. Pour reprendre le « théorème Edelstenne » (lire l’Édito de Guillaume Lecompte-Boinet), la part des 50% de géopolitique a ici eu raison des ambitions de l’hélicoptériste européen en Pologne. Tom Enders, le PDG d’Airbus Group n’y est d’ailleurs pas allé avec le dos de la cuillère, déclarant que le grand groupe aéronautique européen n’avait jamais été traité de cette façon par un gouvernement client. Il faut dire que les ambitions du groupe en Pologne dépassaient largement la production des Caracal, en témoigne les quelque 200 millions d’euros déjà générés chaque année par différentes entités sur place. Une activité qui finalement n’aura pas forcément engendré de percée significative en termes de contrat, notamment dans l’aviation commerciale.
Le pire dans cette histoire, c’est que les Black Hawk polonais seront finalement financés, certes de façon indirecte, par les contribuables européens, donc français. La Pologne est en effet le plus grand bénéficiaire net de l’Union européenne depuis une décennie. Rien que pour la période 2014-2020, Varsovie va recevoir 82,5 milliards d’euros, une enveloppe qui ne cesse d’augmenter depuis l’intégration de la Pologne dans l’UE en 2004. L’ancien ambassadeur de France à Varsovie rappelait par ailleurs en décembre que les entreprises françaises avaient investi plus de 20 milliards d’euros en Pologne, une somme dont les retours étaient encore très loin d’être réciproques.
Comme l’a souvent souligné le PDG de Dassault Éric Trappier, la préférence européenne en matière de défense « reste un gros mot » à Bruxelles. C’est sans doute là qu’il faudra finir par oeuvrer …
