C’est un avion très discret qui se trouve actuellement chez Sabena Technics, sur le site de Bordeaux-Mérignac : l’avion banc d’essai nouvelle génération (ABE-NG) de la Direction générale de l’armement (DGA), actuellement en phase d’essais en vol. Le Fokker 100 (F-GPXL), racheté à Regional, filiale d’Air France, devrait être mis en service pour le compte de la DGA Essais en Vol (DGA EV) en janvier 2015. Le contrat de modification de cet avion de ligne avait été notifié à Sabena Technics en 2009, pour une enveloppe de 35 millions d’euros. Cinq ans plus tard, l’avion est quasiment bon pour le service.
Selon la DGA EV, l’ABE-NG devrait remplacer « trois à quatre Mystère 20 », des avions qui volent depuis près de 45 ans et qui seront touchés par l’obsolescence d’ici trois à cinq ans. Des performances insuffisantes engendrant des coûts importants, la baisse des budgets, le côté « mono-mission », autant de raisons qui justifient l’achat et la modification du Fokker 100. S’il y avait par le passé quasiment un Mystère 20 (XX) par programme, la baisse des budgets et les temps d’immobilisations « monstrueux » a changé les paramètres et obligé la DGA à trouver une solution moins coûteuse mais néanmoins efficace. Là où un Mystère 20 effectue 80 heures de vol par an – un nombre considéré comme un « beau score -, le but est aujourd’hui de quasiment doubler le nombre d’heures de vol de l’ABE NG, pour atteindre les 150 heures.


« Le concept de l’ABE NG c’est un avion civil dans lequel on cherche à embarquer du matériel de laboratoire », selon Pierre Terrée, sous-directeur production et moyen d’essais au sein de DGA EV. « L’idée c’est de gagner en polyvalence. Il s’agit de simplifier les changements de configuration, de façon à ce qu’on puisse par exemple voler le matin en faisant des essais d’autodirecteurs, et faire des essais RBE2 (le nouveau radar AESA du Rafale fabriqué par Thales, NDLR) l’après-midi. » La modularité, maître mot de cet avion banc d’essai de nouvelle génération, qui a pour but de fonctionner sur le principe du « plug and play » : Les industriels amènent leur système ainsi que le système de mise en oeuvre du capteur, puis le montent à bord de l’avion sur l’une des six baies disponibles pour les mesures.

Le Fokker 100 modifié à Dinard possède de plus trois points d’emport, un sous le fuselage et deux sous voilure, ainsi qu’une pointe avant lui permettant d’intégrer un radar d’avion de combat. Il peut emporter jusqu’à trois tonnes de charge d’essai pour des vols pouvant durer jusqu’à trois heures. Le plafond opérationnel est relevé de 5 000 pieds, tout en gardant la totalité de l’énergie disponible à bord. Le poste de pilotage est resté quasiment inchangé et ne bénéficie pas de commandes de vol électriques, une spécification expresse de la DGA, qui ne souhaitait pas « complexifier » outre mesure les problématiques de commandes de vol. C’est entre autres une des raisons pour lesquelles il n’était pas envisageable d’acquérir un avion type A320 d’Airbus. Un Boeing 737 a un temps été envisagé, mais le projet a finalement été abandonné, tout comme l’acquisition d’un Falcon 2000, un peu cher et qui ne présentait pas les mêmes avantages que le Fokker 100 en termes de modularité.

Le Fokker 100 a donc subi des renforcements structurels pour pouvoir emporter les charges utiles, et se révèle être un avion « solide et fiable ». L’emport sous fuselage est prévu pour accueillir du matériel type RECO NG jusqu’à 1,1 tonne, les deux sous voilure des équipements de la classe MICA, pouvant aller jusqu’à 450 kg par emport. L’ancien avion de Regional a « une forte connotation Rafale », mais ne sera pas uniquement dédié aux essais du chasseur français précise-t-on à la DGA. La pointe avant a elle été grandement modifiée, afin d’être capable d’accueillir par exemple le nouveau radar RBE2, ou encore le RDY.
Le vol inaugural de l’ABE NG a eu lieu le 1er mars 2013. Les essais en vol à proprement parler ont débuté en décembre dernier, l’avion a depuis effectué près d’une vingtaine de vols et est actuellement en processus de certification par l’EASA. La certification est espérée pour le mois d’octobre prochain, la période d’opérations de vérification devrait elle débuter en novembre, avant une mise en service espérée dès janvier 2015 au sein de la DGA EV.
