On le sait, cette nouvelle année doit être celle du choix du remplacement de la flotte de monocouloirs de plus de 150 sièges d’Air France, voire même de ses quinze A330. Et si l’Airbus A321neo devrait logiquement l’emporter pour une partie des appareils (dont peut-être l’A321XLR), la succession de la quarantaine d’A320 semble quant à elle bien plus complexe, la compagnie française étant particulièrement attachée au lancement par Airbus d’une version plus capacitaire de l’A220 depuis quelques années, un souhait d’ailleurs partagé par une liste croissante d’autres transporteurs de par le monde.
Il faut dire que sur le papier, la proposition de l’A220-500 (dénomination à confirmer) a vraiment tout pour plaire. Pour la compagnie, cet avion de 170 à 180 places de nouvelle génération devrait pratiquement disposer des mêmes performances opérationnelles qu’un A320neo, mais en affichant une masse à vide inférieure de 3 à 5 tonnes, ce qui se traduira par de substantielles économies en termes de consommation de carburant. Pour Airbus, l’allongement de l’A220-300 ne semble pas une opération techniquement des plus complexes, avec ce fuselage produit en alliages aluminium-lithium par tronçons.
Les principales difficultés sont évidemment ailleurs, alors qu’Airbus peine à faire monter ses cadences sur ces deux familles de monocouloirs compte tenu des importantes difficultés rencontrées sur sa chaîne d’approvisionnement, notamment chez les motoristes et chez certains équipementiers. L’avionneur européen n’a pas atteint son objectif de livraisons de 700 appareils en 2022 (661 avions commerciaux livrés à 84 clients), même si ce retard de production ne se résume finalement qu’à un décalage de deux à trois semaines sur ses plans initiaux. Pour la famille A320neo, la cadence annoncée de 65 avions par mois ne sera atteinte qu’au début de l’année 2024 et celle des 75 au moins un an plus tard. Quant à l’A220, la montée en cadence est là aussi complexe même si Airbus prévoit toujours d’atteindre les 14 exemplaires par mois au milieu de cette décennie contre 6 actuellement, notamment avec la montée en puissance de la nouvelle FAL de Mobile. L’arrivée d’une nouvelle version de l’A220 ne pourra vraisemblablement intervenir qu’après les obstacles actuels franchis, sans parler des coûts de développement du programme qui devrait dépasser le milliard d’euros.
Mais c’est à plus long terme que la proposition de l’A220-500 pourrait avoir des implications bien plus importantes sur l’avenir de toute la gamme de monocouloirs de l’avionneur européen. En se rapprochant davantage du « sweet spot » du marché, les ventes de cette nouvelle variante de la famille de monocouloirs héritée du programme CSeries de Bombardier seront logiquement amenées à décoller encore plus fort tout en permettant de délester une partie commandes d’A320neo au profit de la production des différentes variantes de l’A321neo, un programme évidemment plus rémunérateur et qui continue à creuser l’écart avec les appareils les plus proches proposés par Boeing.
L’avionneur américain a d’ailleurs ses propres difficultés et a récemment déclaré qu’il ne se lancerait pas dans un nouveau programme avant la fin de cette décennie, enterrant de fait pour l’instant ses ambitions sur le « Middle of the Market ». Dans cette hypothèse, avec un A220 plus capacitaire, Airbus se retrouverait de fait bien moins pressé pour se lancer dans le développement d’un tout nouveau programme de monocouloirs pour 2035, quitte à venir répondre plus tard à ce que fera son concurrent américain. L’A220-500 sera alors un pilier particulièrement important de la gamme de monocouloirs Airbus, avec ce que cela implique au niveau des capacités de production et d’assemblage à travers le monde.
On l’aura compris, Airbus va bientôt devoir se prononcer sur cette nouvelle version allongée de l’A220 pour pouvoir satisfaire les besoins d’Air France. Mais les implications sont bien plus importantes pour la stratégie de l’avionneur pour les 10 ans à venir.