C’est un anniversaire prestigieux qu’Air France vient de fêter en toute discrétion. En effet, le premier Airbus A380 de la compagnie française est entré à son service il y a cinq ans, le vol inaugural ayant eu lieu le 20 novembre 2009 entre Paris et New York. Depuis, la compagnie a reçu dix exemplaires du Super Jumbo qui ont réalisé plus de 144 000 heures de vol et transporté 6,5 millions de passagers.
Avec une envergure de près de 80 mètres et une longueur de près de 73 mètres, l’A380 est un appareil à part, dont l’introduction demande réflexion. « Il a fallu tout repenser, les procédures au sol, en vol, l’embarquement. C’est un travail de plusieurs années », explique Nicolas Bertrand, directeur de la flotte long-courrier d’Air France. Mais faisant partie des clientes de lancement de l’appareil, Air France a pu participer à sa définition et a donc eu ces années pour se préparer, par exemple pour lui construire un hangar dédié.
Malgré cela, le début de l’exploitation de l’A380 ne s’est pas fait sans heurt. Immobilisations ou incidents techniques n’ont pas pu être évités, sans oublier quelques rares incidents plus spectaculaires (comme la collision sans gravité avec un CRJ de Delta à New York). « On parle beaucoup des problèmes techniques de l’A380 mais c’est dû à l’effet taille » souligne Nicolas Bertrand. « Ce sont des incidents que l’on retrouve dans toutes les familles d’avion. Le problème, c’est que quand on a un incident technique ou un retard, c’est tout de suite 516 passagers à héberger en escale. Mais après 5 ans d’exploitation, on arrive à une phase où les difficultés initiales de mise en ligne sont tout de même atténuées. »
Le choix du réseau
Si New York a toujours profité d’une desserte en Super Jumbo, la liste des aéroports qui ont vu l’A380 d’Air France se poser a beaucoup évolué. Deux facteurs principaux entrent en compte dans le choix du réseau : la préparation de la destination à recevoir l’A380 et le profil des voyageurs.
« Nous ne pouvons pas toujours mettre l’A380 où nous le souhaitons. C’est un petit peu la contrainte principale aujourd’hui : son exploitation demande des aménagements des infrastructures aéroportuaires donc des investissements par les autorités locales, qui ne sont pas toujours réalisés. » Ainsi, la plateforme de Sao Paulo n’était pas prête à temps pour la desserte au moment de la coupe du monde de football. Mais les aéroports ont bien compris l’intérêt de s’adapter à l’A380 : « Rio et Mexico par exemple réalisent les investissements pour se préparer à recevoir cet avion de manière régulière. »
Cet hiver, une partie de la flotte A380 sera temporairement immobilisée pour subir des modifications obligatoires au niveau des ailes – liées au problème de microfissures – avec un « impact limité sur la programmation des vols car le chantier est concentré sur la période basse. » Ainsi, sept destinations sont desservies par l’A380 d’Air France : New York, Los Angeles, Miami, Shanghai, Hong-Kong, Johannesburg et Abidjan.
« C’est un avion que l’on déploie en fonction de l’évolution du trafic. » Et il a fait son effet en termes d’optimisation du réseau. « L’A380 est un facteur très important pour la rationalisation économique de certaines lignes, notamment sur le regroupement de fréquences. Les premiers avions ont été souvent déployés sur des lignes où nous avions deux fréquences, comme Johannesburg. Cela nous a permis de faire des économies d’échelle importantes. Il permet de remplacer un 777-200ER et un A340-300. Il y a certaines lignes où un avion de plus de 500 places est suffisant. » Il est également adapté aux dessertes où le nombre de voyageurs d’affaires est élevé car son offre premium est importante avec neuf fauteuils de Première et 80 de Business. Ce qui a motivé son retrait de Montréal.
Une stabilisation de la flotte à dix appareils
Nicolas Bertrand conclut qu’il est « extrêmement positif pour une compagnie d’avoir l’A380 dans sa flotte du fait de l’image qu’il véhicule. C’est un avion qui est très grand, qui fait rêver. Les passagers le demandent à la réservation car il est très silencieux en cabine, on a un sentiment d’espace important, surtout sur le pont principal et l’atmosphère est tempérée par le mood-lighting. » Malgré tout, il faut avoir les lignes pour le mettre en place et, comme l’avait indiqué Alexandre de Juniac, PDG d’Air France-KLM, il y a quelques semaines : « nous ne sommes pas sûrs d’avoir les deux dernières destinations où les mettre. »
Air France a donc décidé de stabiliser sa flotte A380 à dix unités. « D’un commun accord avec Airbus, nous avons repoussé la livraison des deux derniers appareils à une date ultérieure post 2018 et nous discutons toujours avec Airbus sur l’avenir de ces deux positions. Les deux options ont été annulées », précise Nicolas Bertrand. Mais en aucun cas Air France ne regrette son achat : « l’A380 tire l’image de la compagnie vers le haut, permet de dire qu’Air France se situe parmi les majors du transport aérien. »