Les difficultés persistantes rencontrées par Airbus et Boeing dans la production d’avions commerciaux depuis des mois ne cessent de mécontenter leurs clients et certains n’hésitent plus à vouloir l’émergence d’un troisième grand acteur sur le marché, comme-ci une telle épopée pouvait se mettre en place en un claquement de doigts.
Évidemment, deux acteurs pourraient en théorie répondre à ces espérances. COMAC, portée par une politique industrielle volontariste et programmée et par l’influence croissante de la Chine en Asie, et bien sûr Embraer, avec déjà deux familles d’avions commerciaux à succès au niveau mondial depuis près de trente ans. L’industrie aéronautique russe aurait également pu avoir un rôle à jouer important, mais le Kremlin a préféré se mettre durablement à dos l’Occident en s’attaquant à l’Ukraine.
Concernant le C919 de COMAC, sa certification européenne est déjà dans les cartons, avec d’importants travaux en cours entre la CAAC, l’EASA et l’avionneur chinois. Le processus prendra certes encore du temps, et même s’il est vraiment peu probable de voir le moyen-courrier chinois relier un jour deux aéroports de l’UE, cette certification sera une véritable consécration pour l’industrie aéronautique de l’Empire du Milieu, avec très certainement des retombées commerciales à attendre sur certains marchés émergents.
Pour Embraer, son rôle face à Airbus et Boeing est clairement moins évident. L’avionneur brésilien vient d’ailleurs de freiner les ardeurs de certains observateurs en confirmant qu’il ne prévoyait pas pour l’instant de se lancer dans un nouveau programme visant à s’attaquer plus frontalement aux monocouloirs d’Airbus et Boeing. Les coûts nécessaires à un tel programme seraient, de toutes les façons, colossaux, avec une mise en service qui interviendrait seulement quelques années avant l’arrivée très probable de nouvelles plateformes chez les deux grands avionneurs.
Mais l’avionneur de São José dos Campos a cependant bien des cartes en main pour poursuivre les succès de ses familles E-Jet, en jouant sur des délais de livraison bien plus courts que ceux du duopole Airbus/Boeing (il aura fallu à peine plus d’un an entre la commande de la compagnie low-cost singapourienne Scoot et la mise en service de son premier appareil en mai dernier), et même s’il est évidemment impacté par les difficultés de la supply-chain aussi, partageant très souvent les mêmes fournisseurs que ceux de ses deux grands concurrents.
Embraer dispose aussi d’une gamme d’appareils sans réels équivalents, moins capacitaires certes, mais qui décrochent des clients sur certaines niches. Le succès de l’E175 n’est plus à prouver aux États-Unis chez les CPA (Capacity Provider Airline), se situant hors « scope clause » et pouvant un jour se voir logiquement remplacé par l’E175-E2. Quant aux actuels appareils de la famille E2, le récent remplacement annoncé des premiers appareils de LOT montre qu’ils restent une solution compétitive, même pour de grandes compagnies aériennes.
L’avionneur brésilien l’a évidemment bien compris et a déjà décidé d’investir 390 millions de dollars et de recruter 900 personnes supplémentaires cette année pour répondre à la demande croissante pour ses avions commerciaux (prévision de 72 à 80 exemplaires livrés cette année). Mais il va également très bientôt révéler de nouvelles améliorations pour ses appareils à l’occasion du prochain salon aéronautique de Farnborough, que ce soit au niveau de leur cabine, de leur poste de pilotage ou de leurs performances. Et pourquoi pas de nouveaux gros clients…
