C’est un vrai sujet d’inquiétude pour les compagnies aériennes du monde occidental et la tendance est logiquement en train d’empirer. L’interdiction de survoler la Russie implique des temps de vol plus longs, synonyme de consommation de carburant plus importante et d’augmentation des coûts. Mais avec la reprise du trafic et l’augmentation du nombre de vols concernés, une vraie distorsion de concurrence est en train de se cristalliser avec les compagnies aériennes qui ne sont pas touchées par les sanctions russes, à commencer par les compagnies chinoises.
Cette distorsion de concurrence était d’ailleurs déjà particulièrement bien visible dans le secteur du cargo entre l’Asie du Nord et l’Europe depuis tout juste un an, le trafic passager étant encore très loin de son niveau pré-pandémique sur ce type de liaisons. Willie Walsh, le directeur général de l’IATA avait pourtant déjà prévenu, tout comme Ben Smith, le patron du groupe Air France-KLM, mais pour l’instant rien ne bouge, alors que l’Empire du Milieu ouvre maintenant grand ses portes avec la levée des dernières restrictions sur ses visas touristiques depuis le 15 mars.
Les États-Unis sont bien entendu tout aussi concernés et l’association Airlines for America (A4A) a lancé une campagne de lobbying à destination du Capitole et de la Maison-Blanche pour s’attaquer au problème, avec dans le viseur les compagnies aériennes chinoises, mais aussi les principales compagnies du Golfe, ainsi qu’Air India. Le survol de l’espace aérien russe par ces transporteurs serait en effet en train de priver de plus de 2 milliards de dollars les compagnies aériennes américaines.
Cette distorsion de concurrence est indiscutable, très certainement durable, et les moyens d’y remédier semblent encore aujourd’hui bien difficiles à cerner. Faut-il interdire ou limiter les vols des compagnies aériennes qui profitent de cet avantage ? Faut-il les taxer ou réduire leur nombre de sièges offerts à hauteur du préjudice financier ? Quels seront à l’inverse les représailles des États qui protégeront à coup sûr leurs transporteurs ? Les solutions relèvent ici clairement tant des relations diplomatiques que des règles du commerce international. Et si Washington est certainement plus enclin à agir face à la Chine dans un contexte déjà particulièrement tendu, qu’en sera-t-il de notre vieille Europe qui semble toujours avoir un train de retard quand il s’agit de protéger ses propres intérêts ?
Certains éléments de réponses viendront peut-être de Bruxelles la semaine prochaine avec l’A4E Aviation Summit, un événement organisé par Airlines for Europe, la plus importante association de compagnies aériennes de l’Union européenne. Car si la problématique est strictement la même en Europe et en Amérique du Nord, il serait bien ubuesque d’y répondre différemment des deux rives de l’Atlantique…