Que ce soit à Dubaï, à Istanbul, à Charm el-Cheikh, à Phuket ou à Malé, les compagnies aériennes russes poursuivent comme si de rien n’était et aux yeux du monde leurs vols internationaux, avec des avions très souvent pleins à craquer. Près de deux ans après l’invasion de l’Ukraine et la mise en place des sanctions occidentales contre la Russie, et alors que la flotte russe dépend à 90% des pièces de rechange occidentales, le moins que l’on puisse dire est que le sujet interpelle.
Comment ces avions commerciaux peuvent-il encore voler alors que l’exportation de ces pièces de rechange vers la Russie est tout simplement interdite ?
Il va de soi que la cannibalisation des appareils immobilisés pour venir servir les besoins de leurs autres avions est désormais une pratique généralisée, d’autant que la réglementation russe sur les pièces recyclées a évolué. Par ailleurs, les récents rachats légalisés d’appareils auprès des loueurs occidentaux qui avaient été subtilisés par un décret officiel du Kremlin en mars 2022 ne feront sans doute qu’amplifier encore cette tendance. Mais il est clair aussi qu’il existe incontestablement de véritables contournements aux sanctions occidentales, avec certains exemples déjà relevés par la presse et qui concernent des sociétés implantées aux Émirats Arabes Unis, en Chine, en Turquie ou au Kirghizistan.
Pourtant, ces différents subterfuges ont peut-être déjà atteint leurs limites avec lourde problématique des services MRO moteurs, avec une multiplication des pannes en vol constatées depuis quelques semaines sur des appareils de différentes compagnies aériennes russes. Les intervalles de maintenance doivent sans cesse être raccourcis pour s’assurer de leur bon fonctionnement en ce qui concerne les ateliers russes, et alors qu’il reste aujourd’hui difficile d’imaginer un moteur sous sanction franchir les portes d’un shop moteurs agréé à l’étranger.
Pire, un transporteur comme S7 est quant à lui doublement impacté, car un cinquième de sa flotte est aussi immobilisé à cause des problèmes du GTF, avec à la clé de réels licenciements en perspectives, et non plus seulement des réductions de salaire. Dans ces conditions, on commence à mieux comprendre pourquoi Ural Airlines a finalement décidé de ne pas faire redécoller l’A320 qui s’était « vaché » dans un champ de la région de Novossibirsk l’année dernière, la valeur résiduelle de ses seuls moteurs (CFM56) annihilant les risques d’une telle entreprise.
L’espoir du Kremlin tient encore beaucoup à la promesse de la montée en cadence de la production d’appareils russes par le nouveau Yakovlev, en charge des programmes d’avions commerciaux récents et en cours de « russification » (SJ-100 et MC-21). Quant à la récente livraison à Red Wings Airlines d’un Tu-214 rénové après 6 années de stockage, il restera encore un phénomène anecdotique même si une vingtaine d’appareils devraient reprendre du service ces prochaines années.
Finalement, si de nombreux avions civils russes volent toujours, voleront-ils encore longtemps ?
