On s’en souvient réellement comme si c’était hier. Le premier vol de l’Airbus A380, particulièrement suivi dans le monde entier ce 27 avril 2005, représentait sans doute le firmament de toute l’industrie aéronautique européenne à l’époque, tant ce programme était le symbole de la démesure.
Les six membres de l’équipage d’essais du vol inaugural de MSN1 (Claude Lelaie, Jacques Rosay, Fernando Alonso, Manfred Birnfeld, Gérard Desbois et Jacky Joye) ont clairement marqué l’histoire de l’aviation et ont beaucoup fait rêver à l’époque, ce qui est malheureusement loin d’être quelque chose de complétement acquis aujourd’hui, en particulier en France.
Mais l’A380 d’Airbus n’a pas marqué les esprits que par ses dimensions gigantesques, car il mettait surtout un terme à l’hégémonie de Boeing sur les très gros-porteurs, le célèbre 747 ayant été longtemps un véritable accélérateur des ventes pour tous les autres appareils de la gamme de l’avionneur américain. Avec l’A380, l’Europe a montré au monde entier qu’elle pouvait être le numéro un mondial du secteur. Le plus grand avion de ligne au monde a aussi introduit de multiples innovations dans l’aviation commerciale, que ce soit au niveau de sa conception, de l’utilisation des matériaux composites CFRP, l’utilisation du GLARE, l’introduction des circuits hydrauliques à 5000 psi, de nouveaux automatismes dans le poste de pilotage comme le Brake-To-Vacate…
La production du Super Jumbo a malheureusement été arrêtée en 2021, faute de commandes, alors que l’intérêt des opérateurs ne s’était pas complètement tari à l’époque, et même si des investissements importants, sans doute risqués, auraient été nécessaires pour en vendre davantage. Certains disent qu’il est arrivé trop tôt, alors que les principaux hubs mondiaux sont clairement de plus en plus saturés aujourd’hui. D’autres qu’il est arrivé trop tard, alors que la technologie et les changements de réglementation successifs ont clairement désavantagé l’utilisation des quadriréacteurs sur le plan économique, tout en favorisant les liaisons « point à point » en dehors des grands hubs.
Ce qui est sûr c’est que l’A380 a véritablement marqué tous ses passagers, tant occasionnel que voyageurs fréquents, le Super Jumbo restant encore aujourd’hui pour beaucoup ce qui s’est fait de mieux en termes de confort, de silence, de produit proposé au niveau des aménagements de ses classes à plus haute contribution (la Résidence d’Etihad, La douche et le zone bar d’Emirates, la classe affaires de Singapore Airlines…), sans équivalents encore aujourd’hui.
Évidemment, il manque à l’appel aujourd’hui chez certaines grandes compagnies aériennes mondiales, l’impact de la pandémie ayant précipité son retrait chez de multiples opérateurs depuis ce fatidique mois d’avril 2020. Air France, Thai Airways, Malaysia Airlines, suivies plus tard par China Southern ont choisi de jeter l’éponge définitivement. Les autres au contraire ont préféré investir pour remettre leur flotte (ou une partie) en service, réussissant à trouver un modèle rentable dans un contexte de forte demande. Plus de 180 exemplaires restent en service aujourd’hui, très majoritairement chez Emirates (108). Le nouvel opérateur britannique Global Airlines, soutenu par Hi Fly, rêve même d’en faire son modèle économique dans les prochaines semaines.
Airbus continuera encore pour sa part à soutenir les opérateurs durant de nombreuses années, tout en continuant à utiliser MSN1 pour l’amélioration des normes de sécurité et de fiabilité de ses appareils tout en préparant les futurs essais en vol du moteur RISE de CFM International. On sait aussi depuis quelques mois que certains A380 continueront à voler au-delà de 2040. L’histoire du Super Jumbo européen est heureusement loin d’être encore terminée…