Le transport aérien européen a prouvé son dynamisme en 2017, avec un trafic ayant augmenté de 8,6% par rapport à 2016 sur la période entre janvier et octobre et des prévisions pariant sur un doublement du trafic d’ici 2040. « La croyance selon laquelle l’Europe est un marché arrivant à maturité avec des perspectives de croissance réduites doit être révisée. […] Les aéroports européens auront toujours un important potentiel de trafic pour lequel ils doivent se préparer et investir », avait déclaré Olivier Jankovec, directeur général d’ACI Europe, au mois de décembre lorsqu’ont été publiées ces prévisions. La question est maintenant de savoir si les aéroports auront les moyens de suivre la hausse, alors que les problèmes de congestion sont déjà soulignés depuis longtemps et que le continent abrite près des deux tiers des aéroports coordonnés, selon l’IATA.
L’exemple le plus frappant est celui de Londres Heathrow. Doté d’une double piste utilisée à 98% de sa capacité, l’aéroport britannique en est toujours à essayer de convaincre l’opinion publique de la pertinence d’une troisième piste, alors que la plateforme a reçu l’aval du gouvernement. Une période de consultation publique vient de s’ouvrir pour déterminer les modalités de construction de cette infrastructure et du terminal attenant, qui ne devraient pas voir le jour avant 2025 au mieux.
Plus proche de nous, il y a l’exemple toujours très vivace de Notre-Dame-des-Landes. Un projet destiné à assurer la pérennité du trafic aérien dans la région de Nantes alors que sa croissance défie les prédictions ces dernières années grâce notamment à la santé des compagnies low-cost. Un projet avec ses défauts, parfois trop lourds, qui a suscité une forte opposition et dégénéré en des oppositions si tranchées qu’il a glissé du plan aéronautique au plan politique. Face à la réticence des précédents gouvernements à trancher sur la question, c’est celui d’Edouard Philippe qui a pris sur lui d’assumer une décision, mauvaise quelle qu’elle soit : le statu quo.
Soutenu par le gouvernement allemand, le cas de Berlin est tout autre puisque l’éternel report du nouvel aéroport est dû à des raisons techniques mais il aboutit à la même conséquence : les aéroports sont condamnés en Europe à conserver leurs infrastructures et à les optimiser chaque année davantage. C’est ce qu’il s’est passé à Londres (à Heathrow comme à Gatwick et Stansted qui souhaitent aussi une nouvelle piste), ce qu’il va se passer à Nantes, ce qui se passe actuellement à Tegel, engagé dans une course contre la montre pour offrir tant bien que mal les capacités nécessaires à absorber un trafic toujours plus dense… Digitalisation, modernisation des processus et des terminaux aident aujourd’hui. Mais elles ne suffiront pas à absorber la croissance du trafic prédite par l’ACI Europe à plus long terme.
La question est donc posée pour les Etats de déterminer jusqu’où ils sont prêts à aller pour soutenir leur industrie du transport aérien – qu’il s’agisse des grands investissements nécessaires dans les aéroports ou de la modernisation des systèmes de gestion du trafic, qui répliquent la saturation dans le ciel. Car leur défection ne peut avoir pour conséquence qu’une perte d’attractivité des différentes destinations européennes aux yeux du reste des compagnies mondiales et des perturbations amplifiées pour les passagers de la région. Et le temps est compté.